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Page:Chorier - L’Académie des dames, 1770.djvu/228

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que j’avois fait entre les mains du Pere Théodore : Penſez-vous, me dit-elle, à faire les funérailles de votre virginité ? Oui, ma mere, lui dis-je, & je m’acquitterai de ces derniers devoirs, quand il vous plaira. Elle me prit au mot ; & ſans différer plus long-temps, nous allâmes trouver le bon Pere. Il nous dit de revenir le ſoir ; nous y retournâmes ; & il nous fit entrer dans une eſpece de chapelle retirée, qui n’avoit point de communication avec le dehors : il ferma la porte ſur nous, & nous dit de ne rien craindre, parce qu’il étoit maître de ce lieu. Après cela il nous fit un diſcours ſur les fruits de la pénitence, & ſur les grands avantages qu’on en retiroit ; il avoit les yeux baiſſés, la tête découverte, & parloit avec tant de feu, qu’il ſembloit qu’il fût perſuadé de tout ce qu’il diſoit. Cela m’anima tellement, que je crois que j’aurois de bon cœur ſacrifié ma vie, s’il me l’eût commandé. Sitôt qu’il me vit ainſi diſpoſée par ſes exhortations, à ſouffrir tout ce qu’il jugeroit à propos de me faire endurer, il me dit que ma mere me ſerviroit d’exemple. J’étois ſi tranſportée, que je craignois plus pour elle que pour moi : Il n’eſt point néceſſaire, lui dis-je ; il n’y a que moi qui ſuis coupable, & ma mere n’a aucune part à la perte de ma virgi-