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Page:Chorier - L’Académie des dames, 1770.djvu/381

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bonnes & honnêtes, dit Léonor ; ceux-là ſont honnêtes, qui s’éloignent prudemment des ſentiments du vulgaire, & lui cachent avec adreſſe juſqu’à la moindre de leurs actions. Imagine-toi, Octavie, me dit-elle, que c’eſt Vénus même qui te parle. En effet, repris-je, qui eſt-ce qui niera que nous autres ne ſoyons la joie, la lumiere & la vie du genre-humain ? Si nous ſommes la joie, la meilleure partie de la joie ſe prend dans les divertiſſements & les plaiſirs. Si nous ſommes la lumiere, eh ! qu’y a-t-il de plus agréable, puiſque ſans elle la beauté même ne nous toucheroit aucunement ? Enfin, quelle ſatisfaction ne donne point la vie, quand elle eſt accompagnée des jeux & des ris ? Car ſans cela elle nous eſt odieuſe, elle nous donne même du dégoût, & il n’y a que les plaiſirs qui en faſſent le véritable aſſaiſonnement. Toutes choſes ne reſpirent donc parmi nous que les plaiſirs, rien que jeux, rien que divertiſſements ; & s’il ſe trouve quelque femme ſcrupuleuſe, & de cette dévotion auſtere, qu’elle s’en aille, qu’elle ſe retire parmi les ours & les lions. Car qui eſt l’homme qui voudroit rendre ſes reſpects à une bête, dont il ne pourroit avoir aucun contentement ? Enfin, dis-je, comme il eſt bien doux de goûter le plaiſir, il n’eſt pas moins

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