Aller au contenu

Page:Chorier - L’Académie des dames, 1770.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 373 )


porte ſur toutes les autres, qui fait le plus bander quand on la voit. Fabrice, continua-t-il, aimoit Livie, quoique chaſſieuſe, camuſe, & édentée, & ne pouvoit paſſer un moment ſans elle. Son pere le reprit d’un amour qui lui ſembloit ſi ridicule. : Ah ! mon pere, lui dit-il, regardez-la par mes yeux, & non par les vôtres, & vous la trouverez la plus aimable du monde. Il avoit raiſon, parce que Livie étoit l’unique qui pût le faire bander ; il étoit froid devant toute autre, & n’avoit que du mépris pour celles qui faiſoient l’admiration de la Cour. Il en eſt preſque de même, pourſuivit-il, de la taille comme de la beauté : car les uns aiment les femmes graſſes & dont le corps eſt plein de ſuc ; & les autres ne cherchent que celles qui ſont plus légeres & moins peſantes. Les Grecs aimoient les premieres ; & on dit qu’Hélene, dont la beauté étoit admirable, étoit ainſi compoſée. Les Phrygiens au contraire avoient de l’inclination pour les autres, & avoient même ſi grand’peur que leurs filles ne devinſſent trop graſſes & trop replettes, qu’ils les faiſoient jeûner de temps en temps, & ne leur donnoient à manger que des choſes dont elles ne pouvoient tirer beaucoup de ſubſtance. Les François les aiment de cette maniere ; ils veulent qu’elles ayent

Aa iij