porte ſur toutes les autres, qui fait le plus bander
quand on la voit. Fabrice, continua-t-il,
aimoit Livie, quoique chaſſieuſe, camuſe, &
édentée, & ne pouvoit paſſer un moment ſans
elle. Son pere le reprit d’un amour qui lui ſembloit
ſi ridicule. : Ah ! mon pere, lui dit-il, regardez-la
par mes yeux, & non par les vôtres,
& vous la trouverez la plus aimable du monde.
Il avoit raiſon, parce que Livie étoit l’unique
qui pût le faire bander ; il étoit froid devant
toute autre, & n’avoit que du mépris pour celles
qui faiſoient l’admiration de la Cour. Il en
eſt preſque de même, pourſuivit-il, de la taille
comme de la beauté : car les uns aiment les
femmes graſſes & dont le corps eſt plein de ſuc ;
& les autres ne cherchent que celles qui ſont
plus légeres & moins peſantes. Les Grecs aimoient
les premieres ; & on dit qu’Hélene, dont
la beauté étoit admirable, étoit ainſi compoſée.
Les Phrygiens au contraire avoient de l’inclination
pour les autres, & avoient même ſi grand’peur
que leurs filles ne devinſſent trop graſſes
& trop replettes, qu’ils les faiſoient jeûner de
temps en temps, & ne leur donnoient à manger
que des choſes dont elles ne pouvoient tirer
beaucoup de ſubſtance. Les François les aiment
de cette maniere ; ils veulent qu’elles ayent
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