deux ans après, elle ſe repentit de ce qu’elle
avoit fait ; elle pleuroit continuellement la perte
de ſa liberté ; elle ne ſoupiroit plus que pour
ſon amant ; il étoit toujours préſent à ſon eſprit :
& ce qui la mettoit au déſeſpoir, c’eſt
qu’elle ne voyoit point de remede à ſon mal.
Dans ce grand embarras où elle ſe trouvoit,
elle fit part de ſes peines à ſa ſœur ; celle-ci
lui promit de faire ſon poſſible, pour la tirer
de ſon chagrin : en effet elle y réuſſit. Emilie
reçut viſite de celui qu’elle aimoit ; elle en fut
engroſſée en peu de temps ; il l’enleva de ſon
Couvent, & l’emmena avec lui dans un lieu de
ſûreté. Eh bien, en veux-tu davantage ? O la
belle dévotion ! elle devint la concubine de celui
de qui, par dépit, elle n’avoit pas voulu être
la femme. Le Pere Chriſogon ne mérite-t-il pas
beaucoup de louanges, d’être venu à bout d’une
ſi ſainte entrepriſe, & d’avoir ôté, pour ainſi
dire, une femme à ſon mari, pour la mettre
entre les mains d’un raviſſeur ? Tous ces gens-là
tachent de ſe mettre en bonne odeur parmi
le vulgaire ; ils ne font pas de même avec les
ſages qu’il eſt dificile de tromper ; ils préferent
le grand nombre au meilleur, & les eſprits foibles
à ceux qui ont le diſcernement fin, & le jugement
ſolide.
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