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L’ŒIL DU PHARE

contremaître lui proposa, en attendant mieux, d’accompagner l’équipe appelée à reconstruire ainsi un pont métallique. Bien convaincu qu’il n’y a pas de sot métier et ne sachant pas se rendre autrement utile, il accepta l’humble fonction d’enregistreur des heures de travail, de commis aux écritures, puisqu’on le savait instruit, mais non sans songer un peu à son vieil éducateur de Saint-Germain, et à ce qu’on lui avait dit un jour du licencié ès-lettres heureux de se faire chauffeur d’automobile.

Que son instruction lui serve aujourd’hui d’expédient dans l’humiliation, que demain un simple travail manuel le mette en vue, il avait l’esprit trop bien pondéré pour en tirer une conséquence erronée. Mais effectivement, dut-il bien souvent plus tard le rappeler en s’amusant, le point de départ de ses succès et de sa fortune, il le trouva dans sa vie de matelot et non celle d’humaniste.

À cinquante milles de la cité, une travée de pont d’acier a été jetée dans la rivière et à demi-ensevelie dans le gravier charrié