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ÉTIENNE DOLET

seiller au parlement de Chambéry, l’ami de Rabelais, de Dolet, de Bunel, et l’un des champions de la Renaissance dans le sud de la France, a échappé aux recherches de l’histoire. Parmi les écrivains contemporains qui le nomment, et qui chantent ses louanges, la plupart ont cessé d’être lus : ce sont Voulté, Dolet et Sussanneau ; et cependant il en reste un par qui des milliers de lecteurs ont, du moins, appris son nom. Ce fut à Toulouse qu’Epistémon, comme il le dit à Pantagruel, envoya son fils pour étudier sous la direction du très docte et très vertueux docteur Boyssone. « Advisez », dit Pantagruel, « si je peux rien pour l’advancement du filz et dignité du seigneur Boissoné, lequel j’aime et révère, comme l’un des plus suffisans qui soit huy en son estât[1]. » Et, malgré cela, c’est en vain que l’on chercherait le nom de Boyssone dans les grands recueils biographiques dont la France se glorifie. Il n’est cité ni par Nicéron, ni par Goujet, ni par Moréri, ni par Bayle. Ni La Croix du Maine, ni Du Verdier ne l’ont jugé digne d’être tiré de l’oubli, et les Biographies universelle et générale le passent sous silence. C’était un homme d’un rare mérite, il aimait les lettres, il était poète, juriste, savant, mais une certaine timidité de caractère fit quelque tort à ses éminentes qualités et paraît l’avoir détourné de faire imprimer n’importe lequel de ses ouvrages ; ce manque d’assurance l’empêcha aussi d’acquérir la réputation que ses capacités auraient dû lui procurer. Ses commentaires sur un chapitre d’Ulpian ont probablement péri, mais la bibliothèque publique de Toulouse possède trois précieux volumes manuscrits de sa composition, lesquels offrent le plus grand intérêt non seulement pour les renseignements que nous y trouvons sur sa vie, mais aussi pour l’histoire littéraire de la France méridionale ; et il est au moins étrange qu’on n’en ait pas tiré parti jusqu’à présent et que seulement un petit nombre d’écrivains les aient con-

  1. Liv. III, ch. XXIX.