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ÉTIENNE DOLET

semble tout spécialement préparé pour chacun des sujets qu’il aborde. Si vous lisiez sa prose, vous croiriez qu’il n’a jamais rien fait d’autre que d’écrire pendant toute sa vie. Cherchez-vous de l’esprit et de la finesse dans l’art de parler ou de la subtilité et de l’à-propos dans une épître ? Vous verrez qu’en tout cela il approche des anciens. Mais ce qu’il y a de plus merveilleux encore, c’est qu’il excelle à un tel point dans la poésie que vous ne pouvez désirer rien de plus parfait que ses odes, qu’il écrit en mètres variés, ce qui est une tâche difficile. S’il s’essaye dans les vers élégiaques, il égale Ovide et Tibulle. S’il écrit en vers lyriques, iambiques ou hendécasyllabiques, il rappelle Horace et Catulle. Et cependant, malgré tous ces mérites, je ne vous demande pas autre chose que de bien vouloir protéger un jeune homme innocent contre la malveillance des autres et contre la haine de ses ennemis. Dernièrement il s’est élevé entre lui et un certain rhéteur gascon une dispute littéraire qui tout d’abord m’a ravi, parce que je pensais que de cette manière les talents des deux adversaires s’exerceraient et que leur éloquence deviendrait plus parfaite… Mais les choses ont pris un tour inattendu, car, enflammés par les désirs séditieux de leurs partisans, ils ont passé des lettres aux armes ; toutefois, d’après les renseignements que j’ai recueillis, ils ne se sont fait encore aucun mal. Dolet a été jeté en prison, où il plie sous le poids des accusations portées contre tout son parti, on lui reproche même une offense plus grave, à savoir ses attaques contre le parlement. Mais je ne veux pas vous en dire plus long de peur de vous importuner. Notre ami commun, qui se charge de vous porter ma lettre, vous expliquera toute l’affaire en détail. Adieu. Écrit de mon lit[1]. »

Cette missive était accompagnée d’une lettre que le prisonnier lui-même adressait au premier président, dans laquelle il protestait de son innocence et demandait qu’on le libérât bien-

  1. Orat. duœ in Tholosam, p. 140.