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CHAP. IX. — LYON

intimes durant les deux mois que ce dernier passa à Lyon pendant l’automne de 1534, et que cette amitié ainsi formée dura plusieurs années, jusqu’à ce qu’elle se terminât, comme la plupart des amitiés de notre malheureux héros, dans des circonstances qui, suivant Rabelais, lui donnèrent le droit de se plaindre amèrement de Dolet ; et bien que, d’après les odes qu’il adresse à Rabelais, nous voyions qu’il rendait justice au génie de son ami, il n’en est pas moins vrai que, dans les œuvres de Dolet, il n’y a pas trace de l’esprit génial et de l’humaine douceur du grand satirique.

L’Encomium Moriœ fut le véritable précurseur de Pantagruel et les mots qui terminent ce premier ouvrage sont un admirable prologue pour le second : Quare valete, plaudite, vivite, bibite, Moriœ celeberrimi mystœ[1]. Toutefois l’Éloge de la folie n’était pas du goût de Dolet, sans que nous puissions dire si cela provenait de son incapacité à apprécier l’esprit et l’humour ou de l’antipathie qu’il professait pour les opinions anti-cicéroniennes d’Érasme.

Voici comment il s’exprime au sujet du livre le plus spirituel peut-être de l’époque[2] : « La plupart des personnes portent aux nues’Encomintn Mariœ, plusieurs l’admirent réellement ; cependant si vous lisez attentivement cet ouvrage vous serez frappé par l’impudence d’Érasme plutôt que par la vraie force de son style. Il rit, il plaisante, il s’amuse, il s’irrite, il invective, il va même jusqu’à sourire devant le Christ. » Ces mots que je regrette d’avoir à citer me rendent perplexe et je me demande en les lisant si Dolet était ou a pu être un pantagruéliste, s’il lui a été possible de regarder la vie autrement qu’avec le plus grand sérieux et si enfin il y

  1. La remarque que fait Érasme la première fois qu’il goûte du vrai Bourgogne est digne du frère Jean des Entommeures lui-même : « O felicem vel hoc nomine Burgundiam planeque dignam quæ mater hominum dicatur, posteaquam tale lac habet in uberibus. » Quant aux petits vincs, voici ce qu’il en dit : « Digna quæ bibantur hereticis. » Épist. 650, p. 752.
  2. Comment. Ling. Lat. 1084.