Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
ÉTIENNE DOLET

et ses partisans étaient l’objet dans le De Imitatione Ciceroniana, et la légèreté et l’insouciance dont Dolet faisait preuve en traitant les sujets théologiques, firent comprendre aux réformateurs qu’ils n’avaient rien à espérer de lui, et que les questions, si importantes pour eux, de la justification par la foi, de la communion sous les deux espèces, de la nature précise du Sacrement de l’autel, n’étaient pour lui que des rêves creux qui avaient moins de portée qu’une phrase de Cicéron ou un vers de Térence. Son culte païen de l’antiquité, qui aurait pu lui faire obtenir un chapeau de cardinal ou une place de secrétaire auprès de Jules II ou de Léon X, était aussi peu du goût des réformateurs que de l’Église d’alors[1]. Un peu plus tard Calvin et l’inquisiteur général Orry admirent aussi absolument l’athéisme de Dolet qu’ils admettaient l’hérésie de Michel Servet. On aurait pu s’attendre du moins à ce que certains érudits et certains hommes de lettres reconnussent les mérites des Commentaires ; pour des gens qui ne s’occupaient pas exclusivement d’un autre monde, mais qui pensaient que le progrès intellectuel du présent n’était pas indigne de l’attention des habitants de la terre, une œuvre qui faisait tant d’honneur à l’érudition latine aurait dû être saluée avec joie. Mais malheureusement la violence avec laquelle Dolet avait attaqué Érasme devait irriter tout le monde, sauf les amis de l’auteur et les ennemis d’Érasme ; et comme ces derniers étaient, à peu d’exceptions près, les ennemis de la littérature en général, le Dialogue n’avait pas été apprécié par eux au point de vue littéraire, il leur avait suffi d’y trouver des attaques à l’adresse du savant Hollandais. Mais Dolet sortait

  1. Il est vrai que Bemho ne devint cardinal qu’en 1538, mais sa maîtresse (Morosina) était morte alors, ses enfants avaient grandi et à l’âge de soixante ans il avait déjà renoncé à la vie mondaine et aux opinions et aux habitudes païennes ; il s’était consacré à l’étude de l’hébreu et des Pères de l’Église, dans l’espoir d’obtenir la barrette que Clément VII avait déjà voulu lui remettre, ce qu’il n’avait pu faire à cause des objections de ceux qui se scandalisaient de la vie, des goûts et des opinions de Bembo. Ce fut le chrétien converti, et non pas le païen railleur, que Paul III nomma cardinal.