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ÉTIENNE DOLET

comme ceux d’Alde l’aîné ou de Robert Estienne, dont le propriétaire, tout en se donnant le titre modeste d’imprimeur, était plutôt le chef d’un collège de lettrés, non moins capable de diriger et de faciliter les travaux littéraires des érudits que d’exercer son art dans ses détails les plus humbles et les plus modestes.

Les préfaces d’Alde écrites en grec peuvent supporter la comparaison avec celles des plus fameux savants de l’époque, même celles de Musurus et de Lascaris ; et toutes défectueuses que puissent être aux yeux de la critique moderne les différentes editiones principes grecques qu’il imprima et édita tout à la fois, il n’en est pas moins vrai que seul un homme d’un mérite rare et d’un savoir peu commun a pu les éditer ou les imprimer, quelles que soient les erreurs qu’on y puisse relever. Robert Estienne était lui-même l’auteur de quelques-uns des meilleurs livres qui soient sortis de ses presses ; il était un des plus éminents hellénistes, hébraïsants et latinistes de son temps, et si son savoir et les services signalés qu’il rendit aux lettres sont moins universellement reconnus que ceux d’Alde l’aîné, c’est parce que le savoir, le mérite et la gloire littéraire de son fils aîné lui portèrent ombrage. Alde l’aîné était entouré à Venise des érudits les plus distingués de son époque ; de concert avec lui, sous sa direction et sa vigilante surveillance, ils transcrivirent, éditèrent et annotèrent des ouvrages et ne dédaignèrent pas de faire fonction de correcteur et même de compositeur. Robert Estienne, dans Paris qui était une ville moins éclairée, avait chez lui dix érudits, tous hommes de savoir, quelques-uns même étaient tout à fait distingués[1], qui l’aidaient dans ses travaux ; le latin était la langue que parlaient généralement dans la maison non seulement les dix doctes aides, mais le chef, sa femme et ses enfants et même ses domestiques. Alde Manuce et Robert Estienne étaient aussi, au point de vue

  1. «Decem hi partim literati partim literatissimi viri». (Préface de Paul Estienne à l’Aulu-Gèle de 1585.)