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CHAP. I. — ORLÉANS ET PARIS

À cette époque, une mort violente, même des mains du bourreau, n’implique pas nécessairement une grande turpitude morale chez l’accusé ; et nous avons quelque peine à croire que, si la réputation de son père eût été compromise, Dolet aurait rappelé si souvent et si complaisamment qu’il était né à Orléans et qu’il était citoyen d’une ville non sans importance. Nous avons tout lieu d’affirmer que ses parents étaient morts avant son séjour à Toulouse (1532). Qu’il fut redevable de son éducation à ses parents, à des proches, ou à des amis, il est certain qu’on lui fit donner une éducation libérale et qu’on laissa libre carrière à son goût pour les lettres au lieu de l’obliger à faire les métiers vils, auxquels la plupart des gens de sa caste étaient forcément voués. Mais à cette époque il existait de puissants encouragements aux études littéraires. Pendant cette période de la Renaissance, dont Dolet fut l’enfant, le panégyriste et le martyr, la science était une voie qui menait à toutes les dignités. La puissance de la plume avait rivalisé avantageusement avec celle de l’épée ; elle avait élevé Tommaseo Parentucelli à la plus haute situation de la Chrétienté ; elle avait fait craindre l’Arétin par tous les princes de l’Europe, qui le flattaient et l’attiraient à prix d’or à leurs cours ; elle avait donné à Érasme une réputation universelle et extraordinaire, inconnue depuis le siècle d’Auguste. Des esprits moins ambitieux trouvaient aussi des avantages à poursuivre les études littéraires. Les universités avaient vu se dissiper les rêves de la philosophie et de la théologie scolastique, et partout elles demandaient des maîtres qui pussent enseigner la science nouvelle dont les étudiants étaient si avides ; et les ambassades qui étaient devenues fréquentes dans les dernières années du quinzième siècle offraient une autre carrière à la même classe d’hommes. Il serait difficile de trouver un lettré, depuis le milieu du quinzième siècle jusqu’à la moitié du seizième, qui n’ait engagé des négociations diplomatiques soit comme ambassadeur, soit comme secrétaire.