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CHAP. XXII. — LE PREMIER PRÉSIDENT

libertés du nord de la France, et fit tous ses efforts pour substituer les lois de la Rome impériale a l’ancien droit commun des Français. Ses manières, son accent, son langage de paysan d’Auvergne, sa loquacité, l’ignorance dont il faisait preuve en tout ce qui ne touchait pas à sa profession, sa vanité qui le portait à se croire grand théologien et grand savant, ne provoquèrent pas moins les railleries de ses ennemis que son aspect extérieur et sa physionomie.

S’imaginant savoir très bien le latin, il aimait, pendant les séances, à montrer que cette langue lui était familière. La connaissance qu’il en avait était égale à peu près à celle de Bragmardo, que Rabelais nous présente en lui faisant dire : Ego habet bonum vino. Lorsque, comme cela se présentait parfois, il avait à prononcer une sentence en latin, il faisait fautes les plus ridicules, et on rapporte que ce fut une de ses phrases macaroniques qui, arrivant aux oreilles de François Ier fit supprimer par un édit (1539) l’usage du latin dans les cours de justice. Le premier président, avant à débouter quelqu’un de sa demande, avait traduit la formule : déboutons et avons débouté par debotamus et debotavimus[1].

Il abusait immodérément du vin et des femmes, et la rougeur extraordinaire de sa figure et de son nez et sa calvitie complète ne pouvaient manquer de fournir des traits aux faiseurs de satires ; lorsque le nez du malheureux homme tomba a la Longue, on n’eut pas un mot de pitié à lui adresser. On se moqua de lui[2].

  1. Waddington : Vie de Ramus, 88 ; Gaillard : Hist. de François Ier, vol. VII, p. 381.
  2. Voyez La Complainte de Messire Pierre Lizet sur le trespas de son feu nez, ajoutée à l’Epistola Passavanti, et à plusieurs éditions des Epistalæ Obscurorum Virorum. Puis H. Estienne : Introd. au Traité de la Conformité, chap. XVII. «Le nez fut enchâssé en plusieurs beaux épitaphes, en attendant que le Pape eust loisir de le canoniser.» Dans le dernier chapitre du même ouvrage H. Etienne cite le fragment suivant comme faisant partie d’une épigramme contre Lizet, composée par un scavant personnage :

    «Viel pourri au rouye museau.
    Déshonneur du siècle où nous sommes. »