Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
411
CHAP. XXII. — LE PREMIER PRÉSIDENT

l’accusé ne pouvait espérer être acquitté, mais les juges avaient toujours recours au châtiment le plus sévère[1].

C’était surtout comme théologien que Pierre Lizet espérait s’imposer à la postérité. Quand en 1550 il fut forcé de donner sa démission, il entra dans les ordres et fut nommé abbé de Saint-Victor ; il s’occupa alors de publier certaines élucubrations théologiques qu’il préparait depuis quelques années. En 1551 et en 1552 il fit paraître, dans un langage qu’il supposait être le latin, neuf traités de lourdes controverses qui, il le croyait avec complaisance, devaient confondre les réformateurs, soutenir la cause chancelante de l’orthodoxie et (comme ils étaient dédiés au pape) lui donner quelque chance d’obtenir la barrette, que du Prat (bien que veuf et âgé de 53 ans quand il était entré dans les ordres) avait obtenue et que Bertrandi devait bientôt recevoir. Si le style[2] de ces ouvrages était dur et barbare, les questions traitées valaient encore moins. Un seul spécimen de son argumentation nous suffira. Dans son traité contre la traduction des Écritures en langue vulgaire, il prétend que dans les premiers siècles de l’Église il y avait deux sortes de latin, dont l’un était compris seulement par les

  1. Les deux cours semblent avoir maintenu leurs traditions quelque temps encore après la retraite de Lizet. J’ai déjà (p. 391) dit en quoi différaient les deux chambres en 1558, et nous trouvons des plaintes qui nous apprennent que la Chambre de la Tournelle (présidée par Harlai et Séguier, présidents à mortier) était moins sévère pour les hérétiques que la Grand’ Chambre où Le Maistre, premier président, présidait. (Vie de Dubourg, dans La France Protestante).
  2. «Son style se trouva si dur que le Pape, en ayant, par cas fortuit, porté un feuillet à ses affaires, s’en escorcha tout le Saint-Siège Apostolique.» - H Estienne : Introd. au Traité de la Conformité, ch. XVII. L’histoire est racontée tout au long par Th. de Bèze dans l'Epist. Passavanti : « Dicitur quod Papa Julius modernus quamvis non plus sciat de Latino quam unus miles et sit melior canonista quam theologista quum audivisset unam partem vestri libri, tenuit tam parvum numerum, ut jusserit portari ad suam latrinan id est am sedem foraminatam quam dicunt trufatores esse beati Petri : ubi ipse Papa cacat, non in quavoluisset semet suas nates abstergere cum illo, reperit vestrum stilum tam durum veritate crat montigena, tam crat durus et asper.» L'Epistola Passavanti est une caricature du style latin de Lizet.