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ÉTIENNE DOLET

rien du tout, est mal traduit, et est contre l’intention de Platon, auquel il n’y a, ni en grec, ni en latin, ces mots : rien du tout. »

Le crime de Dolet consistait donc à avoir ajouté au texte de Platon les mots : rien du tout, mots qui, s’ils ne se trouvent pas dans l’original, ou dans la traduction latine, ne changent nullement le sens du texte, mais ne font qu’exprimer plus clairement ce que veut dire l’auteur ; et la censure fut prononcée par des théologiens ignorants qui ne savaient même pas épeler le titre du livre qu’ils condamnaient. Néanmoins ces trois mots, ajoutés simplement pour donner un sens plus complet à la phrase, ne contribuèrent pas peu à faire mourir Dolet, et semblent avoir été le seul motif de l’accusation de blasphème, l’un des trois chefs d’accusation sur lesquels se fonda la sentence capitale et dernière.

Le premier président n’avait pas souvent devant lui un criminel comme Dolet, Dolet qui réunissait en lui presque tout ce qui était odieux à Pierre Lizet ; il était imprimeur, érudit et hérétique ou quelque chose de pire. Les hérétiques et les garçons imprimeurs qu’il avait condamnés étaient nombreux, mais depuis la condamnation de Berquin (1529), jamais un érudit et un poète (auteur de plus de quinze ouvrages) n’avait comparu devant le parlement pour hérésie. Le procès fut long, mais les détails nous manquent presque complètement. Les chefs d’accusation étaient au nombre de trois : blasphème, sédition et exposition de livres prohibés et damnés. Le blasphème, qui semble avoir été la principale accusation, était, nous l’avons vu, fondé sur le passage d’Axiochus. L’accusation concernant l’exposition de livres prohibés et damnés se fondait en partie sur l’histoire des deux paquets de livres envoyés à Paris, et en partie sur ce fait, que Dolet reconnut comme exact, qu’il avait vendu des livres des saintes Écritures en français et en latin. Quant à la nature et au motif de l’accusation de sédition, nous ne pouvons que faire des conjectures.

L’évasion ne pouvait être guère considérée comme de la