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ÉTIENNE DOLET

se distinguait par sa culture littéraire, par l’élégance de ses manières, par sa royale magnificence et où, comme cela convenait à la cour d’une reine de Chypre, on rendait un vrai culte à la déesse de Paphos. Bembo, bien que tout jeune encore, fut la vie et l’âme[1] de cette cour et il dédia à la mémoire de la charmante souveraine qui présidait à Asola la plus populaire et la plus spirituelle de ses œuvres — Gli Asolani. Il avait étudié la philosophie à Padoue sous la direction de Pomponatius, et peu avant la mort de Léon X, il fit un nouveau séjour dans cette ville pour sa santé, qui était quelque peu compromise par son ardeur au travail et par les devoirs que lui imposait sa charge ; on lui avait recommandé l’air et les bains de Padoue pour se rétablir. Pendant ce séjour, Léon X mourut, et Bembo résolut alors de quitter Rome et de se fixer désormais à Padoue pour y travailler et y jouir de la société des savants. Deux riches commanderies de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, deux doyennés, trois abbayes, plusieurs canonicats et divers autres bénéfices lui assuraient un ample revenu. De 1521 à 1539 il passa dix-huit années d’un bonheur ininterrompu à Padoue ; il alla à Venise à différentes reprises et fit un voyage à Rome. Ses biographies disent que sa maison était le temple des muses ; il y réunit une splendide bibliothèque, une collection de médailles et d’antiquités comme n’en possédait aucun particulier, et un jardin botanique rempli de toutes sortes de plantes rares et magnifiques. L’hospitalité qu’il offrait aux gens de lettres était généreuse ; on rencontrait dans sa maison tous les savants qui enseignaient ou étudiaient à Padoue, aussi bien que les étrangers qui étaient attirés par la réputation de l’université ou par celle de Bembo lui-même. Chacun tâchait d’être présenté à cet illustre Italien. Il passait l’été et l’automne dans

  1. « Nel bel’Asolo, Caterina Cornaro Regina di Cipro tenea tre corti ad un tempo, quella delle muse, quella dell’amore, et quella della magnificenza e dignita regale, e di tutti trè era il Bembo l’anima e l’ornamento. » Bettinelli, Il Risorgimento negli Studi. Bassano, 1775.