Aller au contenu

Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
ÉTIENNE DOLET

jour que les spéculations philosophiques. À Toulouse on s’occupait surtout de la jurisprudence et de la théologie du moyen âge, et les études avaient un caractère étroit et officiel. Les jours de Cujas et de Coras n’étaient pas encore venus ; Jean de Boyssone, il est vrai, essayait d’introduire quelque amélioration dans l’étude du droit et, suivant l’exemple d’Alciat à Bourges et à Pavie, tâchait de faire voir que la jurisprudence était une sorte de système scientifique et non pas une simple collection de règles arbitraires ; mais son influence se faisait à peine sentir, et à Toulouse Bartholus et Accursius régnaient encore en maîtres.

Depuis trois siècles, Toulouse était le quartier général de la bigoterie, de la tyrannie ecclésiastique et de la superstition. C’était le lieu de naissance de l’inquisition et, en France, le siège principal de cette institution qui avait accompli sa tâche avec tant de succès, que le parlement, l’université, les capitouls et la populace luttaient à qui serait ses plus fidèles serviteurs et ses aides les plus efficaces. Et pendant plus de trois siècles encore la cité et sa population conservèrent le même caractère. « Nulle part, » nous dit avec orgueil le président de Gramond[1] qui écrivait vers le milieu du dix-septième siècle, „on ne voit les lois contre l’hérésie mises en vigueur avec plus de sévérité, et le résultat de ceci, c’est que seule, parmi toutes les villes de France, Toulouse est exempte d’hérésie, aucune personne n’étant admise au droit de cité si sa foi catholique est suspecte." Mais il n’en avait pas toujours été ainsi. Il fut un temps où Toulouse était l’avant-garde de la civilisation, de la culture et du progrès. Sous les Romains et plus encore sous les Visigoths, Toulouse était la ville la plus éclairée de la Gaule. Les arts et les lettres y florissaient, et, au lieu d’un niveau banal d’orthodoxie ecclésiastique, on y voyait se faire jour des spéculations théologiques qui méritaient peut-être l’appellation d’hérésies, mais qui au moins montraient une vigueur

  1. Hist. Galliœ, lib. XXX.