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ÉTIENNE DOLET

par les Verdets sous la Terreur Blanche, crime pour lequel les autorités refusèrent de punir ou même de poursuivre les coupables[1].

Nulle part, dans la première moitié du seizième siècle, on n’était plus pieux qu’à Toulouse. Cent églises étaient chaque jour remplies de fidèles, chacune ayant ses cérémonies spéciales et ses fêtes particulières. « Dans la capitale du Languedoc, comme dans la capitale du monde chrétien, » nous dit un historien moderne orthodoxe[2], « presque chaque jour était marqué par une ou plusieurs cérémonies pieuses ; des voix évangéliques proclamaient sans cesse les vérités éternelles, et la vie entière d’un habitant de Toulouse n’était qu’une perpétuelle confession de la foi catholique. » Michel Servet, qui avait précédé Dolet de quelques années à Toulouse, et qui lui aussi y venait étudier le droit, fut frappé de la piété et du zèle des Toulousains. Il n’avait rien vu de pareil à Saragosse, où il venait de passer trois années. La ville entière semblait être un temple. Il se trouvait entouré de crucifix, de tableaux religieux, de reliques. C’était une véritable île sonnante. Les cloches ne se taisaient jamais. On disait continuellement des messes, et des foules les écoutaient. Des processions plus nombreuses que celles qu’il avait jamais vues remplissaient les rues, et chaque cortège nouveau semblait plus magnifique que le précédent. On n’aurait pu voir nulle part ailleurs des magistrats aussi pieux que messieurs les capitouls[3]. Quelque légère que fût une offense contre la religion, elle était promptement punie. Sous l’arche centrale du grand pont de Saint-Michel, fini en 1508, était suspendue une grande cage de fer pour faire plonger les hérétiques et les blasphémateurs, jusqu’à ce qu’ils fussent morts[4].

  1. Fort heureusement tout ces faits relèvent directement de l’histoire. Le fanatisme n’est plus le caractère distinctif de Toulouse.
  2. Du Mège : Hist. des Institutions de Toulouse. Toulouse 1844. I, p. 155.
  3. Tollin : Toulouser Studenten-Leben im Anfange des 16. Jahrhunder’.s. (Riehl’s, Hist. Taschenbuch, 1874,79-78.)
  4. Ibid. Tollin cite les archives de Toulouse à propos de cette cage « mise sur Garonne pour tremper les blasphémateurs du nom de Dieu » .