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Page:Christophe Colomb - histoire de sa vie et de ses voyages - Tome II (1856).djvu/116

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COLOMB ET SON FRÈRE JETÉS EN PRISON.

che, il fit saisir et garroter le frère de l’Amiral, don Diego, que l’on enferma dans une des caravelles, les fers aux pieds, sans lui en donner aucun motif, sans prendre la peine d’observer à son égard les moindres formes de justice.

Peu après, le Vice-Roi étant arrivé pour saluer le nouveau gouverneur, celui-ci, refusant de le voir, commanda aussitôt de l’arrêter et de l’incarcérer dans la forteresse, les fers aux pieds. Colomb, n’ayant opposé aucune résistance aux satellites, les suivit dans la prison.

Mais quand il s’agit d’attacher des fers à ces pieds qui avaient conduit la Castille à la conquête du Nouveau Monde, tous les cœurs s’émurent d’indignation. Parmi les officiers et les gardes du gouverneur, nul ne sentit la force d’accomplir cet ordre exécrable. La douleur comprimée étouffait toutes les voix ; ils se révoltaient secrètement contre leur dégradante obéissance. La sérénité du calme de ce héros imposait un douloureux respect. Les chaînes, bien qu’apportées en sa présence, gisaient sur les dalles du cachot, sans qu’aucun des assistants osât les soulever. Devant un tel outrage, les geôliers eux-mêmes reculaient comme à l’idée d’un sacrilège. L’ordre barbare du gouverneur ne pouvait donc s’exécuter, quand vint s’offrir gaiement pour ce forfait, non point un séide de Bobadilla, un Indien stupide ou haineux, mais un homme de la maison de l’Amiral ; son propre cuisinier. Cet infâme s’infligea allègrement cette honte, et, avec une impudente prestesse, riva les fers de son maître. Las Casas le connaissait : il se nommait Espinosa[1].

L’Amiral ne connut pas plus que son frère don Diego la cause de ce traitement. Il était tenu au plus rigoureux

  1. Las Casas, Historia de las Indias, libro l, cap. cviii. Ms.