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DOURDAN SOUS HENRI IV.

garnison permanente, centre d’approvisionnement, fortifiée avec soin, la place de Dourdan joue un rôle important dans cette phase si agitée et si curieuse de l’histoire de la Ligue. Ce n’est certes pas pour son bonheur. Nous laissons à penser le trouble apporté dans une ville par la présence prolongée d’une garnison nombreuse, le logement de soldats turbulents, le contre-coup de toutes les péripéties de la lutte, de toutes les alertes, marches et contre-marches d’un parti ; le bouleversement causé dans la culture des campagnes par ces levées incessantes de vivres et de provisions, ces immenses convois de grains soudainement organisés au profit de la capitale affamée, et toutes les exigences d’une armée fourrageant et vivant uniquement sur le pays.

Dès novembre 1589, les soldats de Dourdan entrent en ligne contre le nouveau roi. Étampes, fortifié par la Ligue et vigoureusement assiégé par Henri, demande du secours à sa voisine et alliée. Dourdan envoie des soldats. Ceux-ci trouvent la ville investie et occupée par les troupes royales. Les habitants, fatigués de tant de vicissitudes, avaient fui, abandonnant dans la vieille forteresse et le donjon de Guinette le jeune comte de Clermont-Lodève, que la Ligue y avait jeté. Tandis que les assiégeants le battaient en brèche, les soldats de Dourdan, s’emparant par un hardi coup de main de la porte Saint-Martin, enlevèrent de l’hostellerie des Mores deux seigneurs de l’armée du roi, les sieurs de Vaugrigneuse et de Montroger. Après la reddition de la place, il fallut qu’Étampes payât au vainqueur la rançon des deux nobles prisonniers[1].

Henri IV, retenu neuf jours devant Étampes, pendant lesquels il logea, dit-on, à Brières-les-Scellés, hésita un instant s’il ne marcherait pas sur Dourdan. Mais il ne se sentait pas en sûreté au milieu de cette contrée, où la Ligue était trop puissante ; il continua sa route vers Orléans. En s’éloignant d’Étampes, il put voir commencer l’écroulement de la vaste citadelle que les habitants avaient demandé au roi, comme un bienfait, la permission de démolir eux-mêmes, pour qu’elle ne fut plus l’occasion de siéges et de malheurs nouveaux. La vieille tour de Guinette, qui domine encore la vallée de sa masse imposante, devait seule rester debout au milieu de ces ruines volontaires. A l’heure où Étampes s’annulait ainsi de plein gré par lassitude, Dourdan gardait son château dans toute sa force, mais aussi son avenir gros de menaces et de périlleux hasards.

Le capitaine Jacques avait toujours les yeux fixés sur Paris. De là lui venait le mot d’ordre de son parti. Il suivait de loin avec une anxieuse attention les péripéties de ce siége terrible que le roi poussait vigoureusement contre sa capitale opiniâtrément fermée. Une affreuse famine décimait les assiégés ; cinquante mille personnes étaient mortes de faim (août

  1. Le P. Fleureau, Antiquitez d’Estampes, p. 259.