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JURIDICTIONS. — ADMINISTRATION.

réponse de mauvaise humeur : que depuis le temps qu’on demande des tableaux, on commence à savoir les faire. Quand les gazettes deviennent à la mode et que le gouvernement veut y mettre la main et intéresser ses abonnés, c’est au subdélégué qu’on demande les faits divers et les petites nouvelles, et, comme il n’arrive en général à Dourdan rien de bien extraordinaire, le subdélégué a le regret de n’avoir rien à envoyer, et c’est avec plaisir qu’il saisit l’occasion d’une histoire de chasse ou d’une aventure de sa fermière, comme nos lecteurs ont pu en voir. Toutefois, à mesure que le siècle marche et que la fermentation s’opère, le langage des subdélégués change de ton. D’avertisseurs passifs et respectueux ils deviennent parfois des conseillers sévères ou même des censeurs indépendants. Ils ne dissimulent pas certains dangers, ils ne cachent pas certaines inquiétudes, ils ne reculent pas devant certains mots. Le terme de « Républicain » est déjà sous leur plume bien avant que le trône se croie menacé. Pour nous, la transformation est très-sensible.

« Confident de l’intendant, » le subdélégué est son correspondant intime et, en général, à Dourdan, son ami. A quelques rares exceptions près, le subdélégué de Dourdan supprime le Monseigneur quand il écrit. C’est chez lui que l’intendant descend et loge quand il vient, et cette modeste hospitalité est vingt fois par an l’occasion d’offres, d’excuses, de remercîments sans nombre. Il y a souvent échange de lettres confidentielles. Si la Dauphine passe par Étampes en 1745, le subdélégué a sa conduite diplomatique tracée ; si le prince Édouard Stuart vient coucher huit jours à Rochefort, chez le prince de Montauban, en octobre 1747, et revient souvent chasser incognito pendant l’hiver, l’intendant écrit au subdélégué qui lui demande ses instructions : « Allez faire votre cour et, sans le faire paraître, faites comprendre que je suis bien aise d’être agréable. » Le subdélégué ne se fait pas faute d’esquisser, au besoin, devant l’intendant, le portrait de ses collègues ou de ses concitoyens : « le curé est une tête, le lieutenant un ancien dissipateur ; » les bourgeois sont « un tas d’écrivailleurs, » toujours prêts à faire des mémoires contre l’administration ; la population elle-même est « très-ingrate, ce qui n’empêche pas d’avoir pour elle des entrailles de père. » L’intendant accueille avec bénignité les justifications que le subdélégué se croit obligé de rédiger en face de ses détracteurs, et lui offre des consolations philosophiques. Quand il y a moyen d’accorder quelque cent livres de gratification à son subdélégué, ou quelque modération de sa taxe, l’intendant ne le néglige pas. Aussi, il reçoit des épîtres de bonne année, ou, s’il perd sa femme, des lettres de condoléance fort touchantes, et le subdélégué a maintes complaisances que l’intendant accepte ou provoque volontiers. C’est au subdélégué qu’il s’adresse pour avoir un bon pâté ou de belles écrevisses pour la fête de sa fille, ou un panier de gibier pour un confrère ; à lui qu’il demande de la graine d’œillets, « pour lesquels le pays est, dit-on, fort bon. » C’est lui qu’il prie de chercher une maison de campagne