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CHAPITRE II.

sur la terre de France, disparaît sans que ses contemporains disent de lui autre chose que ces seuls mots : il mourut. Le nom de Dourdan a été au moins conservé à l’histoire. Soyons-en reconnaissants à nos avares annalistes.

La chronique de l’abbaye de Saint-Denis, où fut enseveli Hugues, ajoute seule quelques détails sur les derniers moments de l’aïeul des Capétiens :

« Bien senti Hues li granz que li termes de sa vie aprochait : les princes de sa duchée manda, et par leur conseil livra en garde Hue l’ainzé de ses fiux au duc Richart de Normendie ; de cest siècle trespassa vieux et plains de jors ès Kalendes de Jugnet : ensepouturez fu en l’église de Saint-Denys en France[1]. »

Nous sommes en droit de penser que Dourdan fut à cette heure suprême le rendez-vous d’une véritable cour royale : car dans sa duchée le puissant moribond avait pour feudataires une foule de nobles princes. A Dourdan s’assurèrent les destinées de l’aîné des Capétiens. Ce n’était pas la dernière fois qu’il devait y venir.

Quelques auteurs ont écrit à tort que Dourdan garda la sépulture de Hugues le Grand. C’est à Saint-Denis, dont il était abbé, que reposa le corps de celui qui, sans daigner être roi lui-même, fut le père de tant de rois.

Trente ans s’écoulèrent. Hugues Capet vint-il quelquefois au village de Dourdan, se délasser de la vie agitée de prétendant, comme l’avance assez vraisemblablement de Lescornay, sans d’autres preuves pourtant que des lieux communs ? Nul ne le sait ; mais ce que les textes nous apprennent et ce que n’a point su de Lescornay, c’est qu’en 986, année décisive où mourut réellement avec Lothaire la dynastie de Charlemagne, Dourdan fut le rendez-vous d’une importante et mystérieuse entrevue.

Hugues n’avait plus qu’un pas à faire pour être roi ; mais il fallait se débarrasser d’un puissant compétiteur, Charles de Lorraine, appuyé sur son droit et sur l’Allemagne. Trois hommes y travaillaient : l’évêque de Laon, l’évêque de Reims Adalbéron, et le fameux Gerbert, qui, avant de mener la politique de son siècle du haut de la chaire romaine, prêtait, Comme écolâtre de l’Église de Reims, le secours de sa plume et de son adresse diplomatique aux ambitieuses menées de la dynastie naissante. C’est une lettre de Gerbert à Adalbéron qui nous révèle, au milieu d’avis obscurs sur les affaires privées de l’évêque, une phase peu connue de cette longue négociation qui prépare l’avénement de Hugues au trône.

« Il s’agit sérieusement de la grande affaire, écrit-il, magna res serio agitur. L’évêque de Laon, par le conseil d’Othon (duc de Bourgogne),

  1. Chronique de Saint-Denys ; Bouquet, t. VIII, p. 349.