au pôle à travers la Hollande, la Suède et la Laponie : c’était assez, si l’on ajoute quelques bouffonnes parades italiennes, quelques gais proverbes en prose et une risible escarmouche avec le vieux Boileau, pour être à quarante ans l’homme curieux et connu dont plus d’un prince allait savourer, rue de Richelieu, l’intarissable esprit et la bonne table. Avec le Joueur (1696) et le Distrait (1697), la grande comédie en vers avait commencé, et Regnard avait pris place à la suite de Molière.
Dans une partie de chasse faite en compagnie de ses nobles amis pendant un séjour à Bâville chez le président de Lamoignon, ou à l’occasion d’une visite à la famille de l’acteur et auteur Poisson, qui habitait Roinville[1], Regnard rencontra Dourdan. Un jour, durant un orage, sur un rocher de la Baltique, le jeune voyageur, un instant philosophe, « avait jeté la vue sur les agitations de sa vie passée… et conçu que tout cela était directement opposé à la société de la vie qui consiste uniquement dans le repos, et que cette tranquillité d’âme si heureuse se trouve dans une douce profession qui nous arrête, comme l’ancre fait un vaisseau retenu au milieu de la tempête[2]. » Dourdan, sa paisible vallée, apparurent-ils au poëte comme le port qu’il avait rêvé ? La charge de lieutenant des eaux et forêts et des chasses de Dourdan était à vendre, il l’acheta, et le 22 juillet 1699 il acquit la terre de Grillon de la veuve de maître Estienne le Large, contrôleur général de la maison de S. A. R. la duchesse d’Orléans.
Regnard acheta Grillon 18,000 livres. Il paya comptant 8,000 livres et, pour le reste, fit à la veuve une rente de 500 livres.
Gâcon, le poëte sans fard, a fait du château de Grillon une description que la magie des vers ne rend pas suspecte. Le lecteur en jugera :
Après avoir dormi la grasse matinée, |