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LE MARCHÉ AUX GRAINS.

plète, car on ne voulait rien négliger pour attirer les chalands. Cette place n’avait jamais été pavée et son nivellement laissait beaucoup à désirer. En juin 1747, on entreprit, en face du portail de l’église et le long des fossés du château, des terrassements qui baissèrent le sol et amenèrent la découverte d’un cimetière et d’anciennes substructions. Par ordonnance du 12 avril, l’intendant avait commandé à tous les habitants et journaliers sujets à corvée de voiturer les grès et le sable nécessaires pour établir une bande pavée de la rue de Chartres au portail de l’église. C’est devant ce portail qu’on fit descendre le marché à l’avoine, tenu jusque-là au coin des halles et embarrassant pour la circulation. Arrêtés faute d’argent, les travaux continuèrent en 1751, et la place, qu’on appelait la place d’Armes ou le Martroy, fut pavée dans toute son étendue.

Nous le répétons, il était trop tard. En dépit des efforts tentés, le marché de Dourdan ne put regagner alors ce qu’il avait perdu. En 1750, il était tombé plus bas que jamais. Par suite d’oscillations, il remonta un peu vers l’année 1770, mais pour peu de temps. Il dut se contenter d’une moyenne qui lui assurait encore une place importante parmi les marchés de la Beauce, mais qui valait à peine la moitié de celle qu’il avait connue. Aux causes locales étaient venues se joindre des causes générales de perturbation. Parmi celles-ci, nous signalerons le manque de sécurité pour le commerce pendant une série d’années calamiteuses, et surtout la transition douloureuse et violente qui s’opérait entre des siècles de privilége et de protection et l’ère nouvelle de la liberté des échanges.

Les paniques, les craintes d’accaparement, de spéculations, et, comme on disait alors, de « manœuvres, » remplissent toute la première moitié d’un siècle où des guerres malheureuses, une politique coupable et des années rigoureuses font de la famine comme un vivant et menaçant fantôme. Les populations sont disposées à croire volontiers à des menées occultes. Dès 1709, année de stérilité complète[1], et 1710, année d’affreuse cherté, des plaintes s’élèvent à Dourdan sur ce que les officiers, ecclésiastiques, nobles, exempts du droit de mesurage, se partagent presque tous les grains des environs et les vendent à leur fantaisie, soit en plein marché, soit sur montre simple.

En 1739 et 1740, la disette sévit et la mortalité double à Dourdan. Les murmures et les défiances grandissent de toutes parts et l’administration supérieure s’en montre extrêmement préoccupée. Le subdélégué de Dourdan est obligé d’adresser tous les quinze jours un état au contrôleur général. Il reçoit de l’intendance lettres sur lettres. Le blé est à

  1. Cette année-là la foire Saint-Laurent fut nulle à Dourdan. L’hospice ne put adjuger ses droits sur le plaçage, essayage, etc., des grains et bestiaux. Un honnête ménage fut chargé de faire la perception. L’homme et la femme, à eux deux, rapportèrent 6 livres. — Archives de l’hospice.