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DOURDAN EN 1789.

dénoncé et le juge de paix du lieu lança contre lui un mandat d’amener. Prévenu à temps, il revint dans sa terre de Grillon. C’est là qu’il fut arraché à sa famille, le 1er septembre 1793, pour être conduit aux Récollets à Versailles. Sous le coup d’une visite domiciliaire, sa femme, sa belle-mère brûlèrent tous ses papiers et l’on regrette une histoire comparée des finances et un commentaire sur l’Esprit des lois dont les manuscrits furent anéantis ce jour-là.

Le citoyen Couturier, député à la Convention, chargé du département, vint à Dourdan. Le maire, M. Lefort, convaincu devant lui de ne pas jouir « de la plénitude de la confiance des patriotes, » fut remplacé (7 octobre 1793) par M. Codechèvre. Crassous, un nouveau représentant, commença sa tournée par Dourdan, et remplaça à son tour le citoyen Codechèvre par le citoyen Guignard, (27 pluviose an II, 15 février 1794)[1]. Les habitants de Dourdan, même les plus ardents, profitèrent de l’occasion pour parler en faveur de Lebrun. Crassous fut touché de la situation de sa famille et de l’intérêt que lui portaient ses concitoyens ; il permit au prisonnier de rentrer dans ses foyers escorté d’un sans-culotte. Quatre ou cinq mois se passèrent ainsi, pour Lebrun, à suivre des travaux d’agriculture, à faire bâtir afin d’occuper les ouvriers dont la journée, payée en assignats, était bien modique.

Arrêté une seconde fois, l’inoffensif citoyen de Dourdan fut réintégré dans son cachot et ne dut la vie qu’au revirement du 9 thermidor qui l’appela à la tête du directoire de Seine-et-Oise, et plus tard dans le conseil des Anciens.

Nous détournerons les yeux des scènes de désordre et de violence qui purent à Dourdan, comme partout ailleurs, attrister les bons citoyens et compromettre, dans des heures d’anarchie, la cause même de la liberté : pillage de l’église, dispersion des sœurs de la communauté, expulsion des religieuses de Louye[2].

  1. Lambert, agent national. — Délivré, Deghend, Thirouin, Garié, officiers municipaux.
  2. L’abbaye de Louye où nous n’avons pas ramené nos lecteurs depuis le xviie siècle, était devenue en effet, au xviiie, un couvent de femmes. L’ordre antique et vénérable de Grandmont était peu à peu tombé en décadence. Par suite du désaccord qui régnait entre les frères de l’ancienne observance et ceux de la réforme, et surtout sous l’influence des évêques qui voyaient avec peine subsister cet ordre en dehors de leur juridiction, la mense prieurale de Louye avait été réunie à celle de Thiers en Auvergne par bulle du pape du 6 juillet 1731. La mense conventuelle avait été éteinte à son tour en 1770. Les religieux, libres de s’incorporer à d’autres congrégations régulières, s’étaient dispersés avec promesse d’une pension viagère, et la maison, abandonnée à l’évêque de Chartres, avait vu ses biens divisés entre l’hospice de Dourdan, le petit séminaire de Chartres et l’abbaye de Bénédictines de Saint-Rémi des Landes. Ces dernières, en 1774, avaient été transférées dans les bâtiments conventuels de l’ancien prieuré, entièrement restaurés, et avaient fait revivre le titre d’abbaye de Louye. Une grande dame des environs, femme assez tristement célèbre, la princesse de Rohan, y trouva quelque temps une retraite ou une prison. Deux vues de Louye,