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CHAPITRE V.

C’était Louis, le nouveau roi, qui n’avait guère le cœur réjoui en pensant à son père mort et à sa coupable et malheureuse épouse[1]. Plus heureux que ses frères, ou plus habile, suivant les sceptiques de l’histoire, Philippe, comte de Poitiers, retrouvait intact son honneur conjugal, conservait la riche dot de sa femme, et la belle Jeanne ne tardait pas à s’asseoir à ses côtés sur le trône de France. Le roi Louis, en effet, succombait, jeune encore, à son farouche chagrin. Quant à l’infortunée Marguerite, en dépit de son touchant repentir, une impitoyable vengeance l’avait poursuivie jusque dans son cachot, et elle était morte étranglée. La pauvre petite Blanche s’était lentement éteinte derrière les grilles d’un cloître, oubliée de Charles, qui épousait la comtesse d’Évreux.

Le nom de Dourdan dut être alors dans toutes les bouches. La France suivit avec une curiosité émue ce grand procès où se jugeait l’honneur de trois reines. Pendant une année, les regards durent être fixés sur ce donjon fermé qui cachait une grande coupable ou une innocente victime ; et toutes les histoires du temps[2] sont d’accord pour enregistrer,

  1. Et de ce fet le roi enquist
    Tant et le voir sut, qu’il la fist
    Franche delivrer par sentence
    Dont Ton mena grant joie en France ;
    Car partir n’en vot autrement
    Que par droit et par jugement.
    Si fu à Phelippe rendue
    Qui volontiers l’a recéue ;
    Dont encontre li touz venirent
    Li royaus, qui joie li firent.
    Mès ainz que fut fest cest accort
    Etait le roy Phelippe mort :
    Si ne pot venir contre lui (elle)
    Le roy nouviau en lieu de lui
    I vint, de Navarraz Loys,
    Qui n’était pas moult esjoys
    Et por sa fame et por son père,
    Dont il faisait plus mate chière.
    Entor Noël fu ce dont parle.

    (D. Bouquet, t. XXII, 146, 148.)
  2. Dans la continuation de la chronique de Guillaume de Nangis (D. Bouquet, t. XX, p. 609 D à 610 B) : « …Porro etsi Johanna Blanchæ soror, sponsa Philippi comitis Pictavensis, vehementer in casu habita fuerit in principio pro suspecta, et à viro suo aliquandiù separata et apud Durdactum castrum sub carcerali ustodiâ reservata, post inquestam nihilominus ob hoc factam à præedicta suspicione purgâta, inculpabilis et omnino innoxia in Parlamento Parisius præsentibus comite Valesii et comite Ebroicensi multisque nobilibus aliis judicatur, et sic anno minime revoluto reconciliari promeruit comiti sponso suo. » — Le manuscrit 435 met Dardunum au lieu de Durdactum castrum. Les manuscrits 999 et 4921 A portent Dordonum. — Le récit de Guillaume de Nangis est reproduit avec cette variante : Apud Dordanum castrum, par le continuateur de la chronique de Girard de Frachet. (D. Bouquet, XXI, 41, A.)