Page:Chronique de Guillaume de Nangis.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
159
DE GUILLAUME DE NANGIS

toutes parts et en firent un grand carnage. Dans cette affaire, Robert, comte d’Artois, frère de saint Louis, roi de France, s’étant imprudemment porté trop en avant, ne vit pas plus tôt la ville de Massoure ouverte, qu’il s’y précipita impétueusement avec les Sarrasins en fuite, et, par une témérité peu convenable, tombant entre les mains des ennemis, fut perdu pour ce monde.


[1250]

Pendant que saint Louis, roi de France, combattait les Sarrasins à Massoure, par un secret jugement de Dieu, tout tourna au désavantage des nôtres car ils furent accablés de différentes maladies pestilentielles et d’une mortalité générale, qui s’étendait sur les hommes comme sur les chevaux ; au point qu’il y avait à peine quelqu’un dans l’armée qui ne pleurât ceux que la mort lui avait enlevés, ou allait lui enlever ; c’est pourquoi l’armée chrétienne épuisée périt en grande partie. La disette de vivres était telle qu’un grand nombre moururent de faim et d’inanition car les vaisseaux ne pouvaient passer de Damiette à l’armée à cause des barques des Sarrasins placées sur le fleuve. Les nôtres donc, pressés par ces incommodités, furent conduits par une inévitable nécessité â s’éloigner de ce lieu et à retourner vers le pays de Damiette, si le Seigneur le permettait. Mais le cinquième jour du mois d’avril, comme ils étaient en route pour s’en retourner, les Sarrasins, voyant qu’ils se retiraient, les attaquèrent bientôt vigoureusement avec une multitude infinie d’hommes d’armes. Il arriva, par la permission de Dieu, et peut-être en punition des péchés de quelques-uns, que le roi de France saint Louis tomba entre les mains des Sarra-