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DE GUILLAUME DE NANGIS

Turcs, perdit beaucoup de milliers des siens. Louis, roi des Français, prit avec sa femme, la reine Éléonore, le chemin d’outre-mer, le 30 mai, c’est-à-dire le mercredi après la Pentecôte, et partit pour la Hongrie avec un grand nombre de milliers d’hommes tout équipés. Ayant passé le Bosphore, il se rencontra avec Conrad, empereur des Romains. Cet empereur, abandonné d’un grand nombre des siens que la disette forçait à s’en retourner chez eux, et accompagné d’un petit nombre de gens seulement, fut accueilli avec bienveillance par les Français, et fit route pendant quelque temps avec eux. Mais l’approche de l’hiver et le desir de faire reposer les siens, le ramenèrent à Constantinople. L’hiver étant passé, l’empereur des Grecs lui prêta assistance, et lui donna des vaisseaux pour le conduire à Jérusalem. Dans le même temps, l’administration de tout le royaume de France fut confiée à Suger, abbé de Saint-Denis en France.


[1148]

Le pape Eugène tint à Rheims un concile dans lequel saint Bernard, l’Achille de son temps, réfuta publiquement maître Gilbert, surnommé Porrée, dans une discussion qu’il eut seul à seul avec lui. Ce Gilbert, évêque de Poitiers, était très-instruit dans les saintes Écritures mais dans sa folie il sonda des choses trop profondes pour lui. Ne concevant pas simplement l’unité de la sainte Trinité, et la simplicité de la Divinité, et n’écrivant pas selon la foi sur ce sujet, il nourrissait ses disciples de pains cachés et d’eaux inconnues. Il n’avouait pas facilement aux personnes en autorité toute sa sagesse ou plutôt toute sa folie, car il craignait ce que l’on rapporte lui avoir