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DE GUILLAUME DE NANGIS

passion, on lui montrait son père dans les fers ; saisissant aussitôt une arbalète, il dirigeait obliquement ses traits sur son père, décidé à le manquer, mais voulant avoir l’air de le tirer. Il affirma à des envoyés du soudan, qui le menaçaient de la mort de son père, qu’il la desirait de tous ses voeux, afin qu’après tant de crimes, ce méchant trouvât une mort honorable, et que lui, il eût la grâce d’avoir un père martyr. Saladin, trompé dans l’espérance d’avoir la ville par ce moyen, tenta par les armes ce qu’il ne pouvait obtenir par la ruse ; mais, vaincu par le Marquis sur terre et sur mer, il se retira honteusement.


[1189]

Les archevêques de Ravenne et de Pise, s’étant mis en mer avec une nombreuse armée d’Italiens, firent voile vers Tyr, et furent d’un grand secours pour les habitans de cette ville. Frédéric, empereur des Romains, et le duc de Souabe, son fils, prirent le chemin du pélerinage d’outre-mer à la fête de saint George, entrèrent dans la Hongrie avec une multitude infinie, et furent reçus avec honneur par le roi de ce pays. De là ayant passé le Danube, ils se dirigèrent vers la Thrace par la Bulgarie. Mais l’empereur des Grecs leur ayant refusé passage et obstrué les chemins, ils se détournèrent vers la Grèce, et, s’emparant d’une partie de ce pays, y demeurèrent quelque temps. Cinquante vaisseaux de la Grèce et du Danemarck, ligués ensemble, entreprirent le même pèlerinage. Trente vaisseaux partis de la Flandre, et suivant les autres, assiégèrent en passant du côté de l’Espagne une ville des Sarrasins, nommée Silvie ; et l’ayant prise après quarante jours de siège, ils la pillérent, n’épargnant ni le sexe, ni l’âge, et massacrant