Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/454

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Jésus-Christ un passage. Cette expression est magnifique. Faites-vous attention, mes frères, que le divin Sauveur étant sur le point de se séparer de ses disciples, leur donne des marques d’un plus grand et plus violent amour ? Ces paroles : « Comme il avait aimé les siens, il les aima jusqu’à la fin », signifient : il n’a rien omis de ce que doit faire celui qui aime ardemment. Pourquoi dès le commencement Jésus-Christ n’a-t-il pas témoigné à ses disciples cet ardent amour ? Il leur en donne de plus grands témoignages à la fin de sa vie, pour augmenter leur charité et leur inspirer plus de fermeté et de courage à souffrir les maux qui leur devaient arriver. Au reste, saint Jean dit : « Les siens », par rapport à leur union et leur attachement à Jésus-Christ, car il donne aussi le même nom aux autres hommes par rapport à la création, comme quand il dit : « Les siens ne l’ont point reçu ». (Jn. 1,11)

Pourquoi ces mots : « Qui étaient dans le monde ? » Parce qu’il y avait aussi des siens qui étaient morts, Abraham, Isaac, et plusieurs autres qui n’étaient point dans le monde. Ne remarquez-vous pas que Jésus-Christ est Dieu de l’Ancien et du Nouveau Testament ? Que signifie cette parole : « Il les aima jusqu’à la fin ? » C’est-à-dire, il a persévéré à les aimer, et l’évangéliste dit que c’est là un témoignage d’un grand amour. (Jn. 10, 15) Ailleurs il en produit un autre, à savoir, que Jésus-Christ a donné sa vie pour ses amis, mais cela n’était point encore arrivé. Pourquoi donne-t-il maintenant à ses disciples ces marques de son ardent amour ? Parce que de pareils témoignages dans un temps où il était si illustre et dans une si haute réputation, étaient plus touchants et beaucoup plus admirables, et aussi parce que se séparant d’eux, il a voulu leur laisser un plus grand sujet de consolation. Cette séparation ne pouvait manquer de jeter les disciples dans une profonde tristesse, le Sauveur a la bonté de leur donner une consolation proportionnée.

« Et après le souper, le diable ayant déjà mis dans le cœur de Judas le dessein de le trahir (2) ». L’évangéliste rapporte cette circonstance, tout étonné que son Maître lave les pieds de celui qui a résolu de le trahir. Il fait connaître l’extrême méchanceté de ce perfide, que ne purent retenir ni un repas pris en commun, ce qui est la chose du monde la plus capable de changer un cœur et d’étouffer tous les mauvais sentiments, ni la douceur d’un Maître qui se possède si bien.

« Jésus, qui savait que son Père lui avait mis toutes choses entre les mains, qu’il était sorti de Dieu, et qu’il s’en retournait à Dieu (3) ». C’est encore avec admiration que saint Jean mentionne ceci. Quoi ! Jésus est si grand et d’une nature si relevée et si excellente, qu’il est sorti de Dieu, qu’il retourne à Dieu, et qu’il commande à toutes choses ; et néanmoins il lave les pieds d’un traître, et néanmoins il s’abaisse à une action si humiliante et si disproportionnée à sa dignité !

Quand l’évangéliste dit que le Père a mis toutes choses entre les mains de Jésus, je pense qu’il a en vue le salut des fidèles ; car lorsque Jésus-Christ dit : « Mon Père m’a mis toutes choses entre les mains » (Mat. 2,27), il parle de cette sorte de don ; comme aussi quand il dit ailleurs : « Ils étaient à vous, et vous me les avez donnés » (Jn. 17,6) ; et derechef : « Personne ne peut venir à moi, si mon Père ne l’attire » (Jn. 6,44) ; et : « S’il ne lui a été donné du ciel ». (Jn. 3,27) Voilà ce qu’il veut dire, ou encore qu’il ne doit rien perdre pour cela de son élévation, lui qui est sorti de Dieu, qui retourne à Dieu (Sag. 1), et qui tient tout sous son pouvoir.

Lorsque vous entendez ce mot : « remettre », ne vous figurez rien d’humain : l’évangéliste ne fait qu’indiquer par là l’honneur que Jésus-Christ rend à son Père, et son union avec lui. Comme son Père lui remet, de même aussi il remet à son Père : saint Paul le déclare en disant : « Lorsqu’il aura remis son royaume à son Dieu et au Père », (1Co. 15,21) Le Sauveur parle donc ici d’une manière humaine ; il fait connaître à ses disciples qu’il a pour eux une charité ineffable, qu’il a soin d’eux comme d’un héritage qui lui appartient, et il leur apprend que l’humilité, qu’il dit être aussi le commencement et la fin de la vertu, est la source de tous les biens. Et ce n’est pas en vain que l’évangéliste a mis ces mots : « Il est sorti de Dieu, et il retourne à Dieu » ; c’est pour nous apprendre que Jésus-Christ n’a rien fait qui ne fût digne de celui qui est sorti de Dieu et qui y retourne ; et qu’il a foulé aux pieds le faste et toutes les vanités de ce monde.

2. « Et s’étant levé de table, et ayant quitté ses