Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/11

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d’Epaphrodite, qui était loin d’être aussi célèbre que Paul, à plus forte raison savaient-ils l’état de celui-ci ; et naturellement ils en étaient troublés. Aussi, dès le préambule de son Épître, il s’empresse de les consoler au sujet de ses chaînes, et leur apprend que, loin d’en être troublés, ils ont bien plutôt à s’en réjouir. Ensuite, il leur conseille de pratiquer la charité et l’humilité, et leur montre, dans ces deux vertus, leur sauvegarde certaine et le moyen sûr et facile de vaincre leurs ennemis. La douleur de vos pasteurs n’est point de porter des chaînes, mais de voir la discorde déchirer leurs disciples : nos liens font le succès de l’Évangile ; vos divisions iraient à le détruire.

2. La concorde leur est prêchée, et l’apôtre leur a enseigné que cette vertu a sa source dans l’humilité. Il a foudroyé certains Juifs qui, sous prétexte de christianisme, combattaient par tous les moyens la vérité ; il les appelle « chiens, ouvriers du mal », et conseille de les éviter ; il rappelle quel doit être l’objet de notre application, discute plusieurs points de morale, raffermit leur courage et les rassure par cette affirmation : « Le Seigneur est proche ! »

L’apôtre termine, avec la haute sagesse qui convenait à sa dignité, en leur disant quelques mots des offrandes qu’on lui avait fait parvenir, et ces paroles sont des plus consolantes pour eux. Une preuve évidente, au reste, de leur vertu, c’est qu’ils ne prêtent à ce grand docteur aucune occasion de les réprimander ; toute sa lettre est en forme d’exhortation sans aucun mot de blâme. – C’est que, pour répéter une observation que j’ai déjà faite tout d’abord, cette ville avait manifesté le plus heureux penchant vers la foi. Le gardien même de la prison (genre d’emploi assez vil), le geôlier, à la vue d’un miracle seulement, accourut et reçut le baptême avec toute sa famille. Le miracle qui se fit alors, lui seul en fut témoin ; mais il ne fut pas seul à en recueillir le bénéfice et la grâce ; il entraîna sa femme et toute sa maison. Les magistrats eux-mêmes, qui condamnèrent Paul à la flagellation, agirent sous l’influence du tumulte et de l’entraînement populaire, plutôt que par malice et cruauté : on le devine, en voyant qu’ils ordonnent bientôt son élargissement et qu’ils tremblent de crainte.

Ce n’est pas seulement la foi des Philippiens et leur courage dans les dangers, que nous atteste l’Épître suivante ; mais encore leur bienfaisante charité : « Au début de la prédication évangélique », dit saint Paul, « vous avez une première et une seconde fois pourvu à mes besoins, et personne ne l’a fait que vous ; car nulle autre Église n’a usé avec moi de cette réciprocité de biens tour à tour donnés et rendus ». (Id. 15, 16) Si leur générosité a subi quelque intermittence, ces paroles nous disent assez que l’occasion leur a manqué plutôt que le bon vouloir. Vos bons sentiments pour moi n’ont pas subi d’interruption, leur dit-il ; l’occasion seule vous manquait. De telles expressions indiquent, de la part de saint Paul, une ardente affection ; et nous avons ailleurs un témoignage de ce profond amour : « Je vous envoie Timothée, parce que je n’ai personne qui soit autant que lui uni avec moi d’esprit et de cœur, ni qui vous soit plus sincèrement dévoué ». Et ailleurs : « C’est que je vous porte dans mon cœur et dans mes chaînes ».

3. À nous maintenant de comprendre ces paroles ; à nous qui recevons de tels exemples de charité, de nous montrer nous-mêmes dignes de si grands modèles et prêts au besoin à souffrir pour Jésus-Christ !

Sans doute, à notre époque, les chrétiens ne trouvent plus ni persécuteurs ni bourreaux. Eh bien ! à défaut du martyre, imitons de nos devanciers leur charité, du moins, si ardente et si efficace ; et n’allons pas croire, parce que nous aurons donné une fois ou deux, que notre devoir soit rempli. C’est là une dette de toute la vie. Ce n’est pas une fois, c’est toujours qu’il faut être bienfaisant. Aux courses publiques, en vain feriez-vous dix fois le double stade ; en omettant le onzième tour, le prix est absolument perdu : ainsi, nous-mêmes, si nous subissons un arrêt volontaire dans cette carrière de bonnes œuvres, nous avons tout perdu, tout gâté.

Écoutez plutôt l´avis éminemment utile d’un texte sacré : « Que l’aumône », est-il dit, « que l’aumône et la foi ne vous abandonnent jamais ». (Pro. 3,3) L’Esprit-Saint ne dit pas : Faites l’aumône une fois, deux, trois, dix fois, cent fois ; mais à perpétuité. Qu’elles ne vous abandonnent jamais, dit-il ; il n’a pas même prononcé : Ne les abandonnez pas ! mais qu’elles ne vous abandonnent pas ; montrant que ces vertus n’ont pas besoin de nous, mais que nous avons toujours besoin d’elles, et enseignant que nous devons faire tout au monde pour les garder chez nous : « Entourez-en », ajoute-t-il, « votre cou et vos épaules ». Ne voyons-nous pas, en effet, les enfants des riches porter à leur cou un collier d’or, dont ils ne se dépouillent jamais, parce qu’ils le portent publiquement comme l’insigne de leur noblesse ? Ainsi devons-nous aussi nous entourer de l’aumône, montrant ainsi solennellement que nous sommes les fils de ce Dieu de miséricorde qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants.