Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/127

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ravi au ciel, selon moi ; c’est pour rendre témoignage de l’ascension du Fils. Sur la terre la paix existe doublement : la terre est en paix avec le ciel ; la terre est en paix avec elle-même. Dans le ciel, la paix est une et toujours la même. Si le repentir d’un seul pécheur est un si grand sujet de joie pour les anges, que sera pour eux le repentir de tant de pécheurs ? La puissance divine a produit ces miracles. Pourquoi donc, dit-il, avez-vous confiance dans les anges ? Loin de vous mener au ciel par la main, loin de vous en donner accès, ils vous ont fait la guerre, et, sans cette réconciliation dont Dieu a été le médiateur, vous n’auriez jamais obtenu la paix. Pourquoi donc accourir vers les anges ? Voulez-vous savoir quelle était pour nous la haine, l’aversion éternelle des anges ? Ce sont eux qui ont mission de punir les Israélites, de punir David, de punir Sodome, de punir les hommes dans la vallée des larmes. Les temps sont bien changés. Ils ont entonné, sur la terre, un cantique d’allégresse, le Christ les a conduits vers nous ; le Christ nous a élevés jusqu’à eux.
4. Contemplez le miracle. Après avoir fait descendre les anges sur la terre, il a élevé l’homme jusqu’à eux. La terre est devenue le ciel, du moment où le ciel s’est ouvert pour recevoir la terre. De là cette action de grâces « Gloire à Dieu, dans le ciel, et paix, sur la terre, aux hommes de bonne volonté ! » (Lc. 2,14) Voici, dit l’Évangéliste, voici venir des hommes en paix avec Dieu. Qu’est-ce que cette paix ? La réconciliation. Le ciel n’est plus une muraille placée entre Dieu et l’homme. Autrefois c’était par le nombre des nations que l’on comptait les anges. (Deut. 32,8) Aujourd’hui ce n’est plus par le nombre des nations, c’est par le nombre des fidèles qu’on les compte. Voulez-vous vous en avoir la preuve ? Écoutez cette parole du Christ : « Gardez-vous de mépriser aucun de ces petits enfants. Leurs anges voient face à face mon Père qui est dans les cieux ». (Mt. 18,10) Tout fidèle en effet a son ange gardien, et dans les premiers temps tout homme vertueux avait aussi le sien, comme dit Job : « L’ange qui me soutient et qui me soulage, depuis ma jeunesse ». (Gen. 48,16) Si donc nous avons des anges gardiens, conduisons-nous sagement, comme si nous avions auprès de nous des surveillants ; car nous avons aussi près de nous le démon.
Voilà pourquoi nous prions en invoquant l’ange de paix ; car c’est toujours la paix que nous demandons. Rien en effet n’est comparable à ce bien. C’est la paix que nous demandons dans nos églises, dans nos prières, dans nos salutations, et le prêtre nous souhaite ce bien jusqu’à deux ou trois fois, en nous disant : « La paix soit avec vous ! » Pourquoi ? Parce que la paix est la mère de tous les biens, la matière et la source de toutes les joies. Voilà pourquoi le Christ a ordonné aux apôtres de dire, quand ils entrent dans une maison, cette parole, comme symbole de tous les biens : « Quand vous entrez dans une maison, dites : « Que la paix soit avec vous ! » (Mt. 10,12) C’est que, sans la paix, tout le reste est superflu. Et le disciple du Christ disait aussi : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ». (Jn. 14,27) C’est la paix qui nous fraie un chemin vers la charité. Et le prêtre ne se contente pas de dire : « Que la paix soit avec vous ! » Il dit : « Paix à tout le monde ! » Car si nous sommes en paix avec l’un et en guerre avec l’autre, quel fruit retirerons-nous d’un pareil état de choses ? Dans le corps humain, si certains organes sont tranquilles et d’autres troublés, la santé est impossible ; elle résulte du bon ordre, de la bonne harmonie, du calme qui règne dans l’organisme entier : si tout n’est pas tranquille, si tout n’est point à sa place, il y aura un bouleversement général. Il en est de même de notre âme : si nos pensées sont tumultueuses, elle ne peut pas être en paix. C’est une si bonne chose que la paix ! Ceux qui la font naître, ceux qui la cimentent, portent le nom d’enfants de Dieu et ils le méritent. (Mt. 5,45) Le Fils de Dieu lui-même n’est-il pas venu sur la terre pour pacifier la terre et le ciel ? Si les enfants de Dieu sont pacifiques, ceux qui s’étudient à servir les révolutions sont les enfants du démon. Quoi ! déchaîner les dissensions et la discorde ! Et qui donc est assez malheureux pour cela ? Ah ! il n’y a que trop de gens qui aiment le mal, qui déchirent et qui percent le corps du Christ plus cruellement encore que les soldats avec leurs lances, et les juifs avec leurs clous. Car ces derniers enfin lui faisaient moins de mal ; les plaies qu’ils ont faites au Christ se sont cicatrisées. Mais ces membres que la discorde retranche de l’Église, si l’on ne parvient à les réunir bientôt, ils ne se réuniront jamais et resteront à jamais séparés du