Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/132

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nous a donné une charge à remplir auprès de vous, pour que vous n’eussiez pas l’air d’être complètement abandonnés ; car c’est lui qui a souffert ; c’est lui qui s’acquitte d’une mission. Peut-être veut-il dire : J’étais le plus zélé persécuteur des croyants, et Dieu a permis que je fusse persécuté à mon tour, pour donner plus d’autorité à ma prédication. Peut-être « cette charge que Dieu lui a donnée » est-elle la mission qu’il a, non de faire de grandes œuvres et des actions illustres, mais de répandre la foi et de conférer le baptême. Autrement, dit-il, vous n’auriez pas accueilli la parole de Dieu.
« Afin que je m’acquitte pleinement du ministère de la parole de Dieu », en la prêchant aux nations. Et il montre par là que leur foi est encore chancelante. « Afin que je m’acquitte pleinement ». Si les nations dispersées ont ouvert leurs âmes à des dogmes aussi profonds, ce n’est pas l’œuvre de Paul, mais l’œuvre d’une providence divine. Car moi, dit-il, je n’aurais pu opérer ce miracle. Après avoir exprimé cette grande idée que ses souffrances sont celles du Christ, il ajoute que s’il s’acquitte pleinement du ministère de la parole de Dieu, c’est là l’œuvre de Dieu. Et ici encore il fait entrevoir que s’ils sont capables d’entendre la parole divine, c’est une œuvre de la providence divine. Car Dieu ne fait rien à la légère. Quand il descend jusqu’à l’homme, c’est un haut sentiment d’humanité qui le guide. Et voilà pourquoi le Christ est venu maintenant et non autrefois. C’est ainsi que dans son Évangile il est dit qu’il a envoyé en avant ses serviteurs, afin que le Fils de Dieu ne fût pas à l’instant même immolé. Puisqu’on ne l’a pas épargné, en effet, quand il est venu après eux, on l’aurait épargné bien moins encore, s’il avait pris les devants. S’ils n’ont pas voulu écouter l’humble parole des précurseurs, comment auraient-ils pu écouter la doctrine sublime du Christ ? Que dit-il donc ? Est-ce qu’aujourd’hui encore les juifs et les gentils ne sont pas remplis d’imperfections ? Ah ! c’est là le comble de la faiblesse. Après tant d’années, après tant de preuves, être encore si imparfait, c’est être bien tiède.
3. Quand donc les gentils nous diront : Pourquoi le Christ n’est-il venu qu’à présent ? ne les laissons pas dire ; mais demandons-leur s’il n’a pas bien accompli son œuvre. S’il était venu dès le commencement, et s’il n’avait pas réussi, le temps n’aurait pas suffi pour l’excuser. Mais puisque son œuvre s’est accomplie, pourquoi nous parler du temps ? Quand un médecin soigne un malade et le guérit, on ne lui demande pas compte du traitement qu’il a appliqué. Quand un général a remporté la victoire, on ne lui demande pas compte de l’heure et du terrain qu’il a choisi. S’il n’avait pas réussi, on pourrait l’interroger. Mais, puisqu’il a réussi, il faut l’accueillir avec éloge. Que faut-il croire, dites-moi, vos raisonnements calomnieux ou cette œuvre si parfaite ? A-t-il remporté ou non la victoire ? dites-moi. A-t-il triomphé ou non de tous les obstacles ? Sa parole s’est-elle accomplie ou non ? Voilà ce qu’il faut examiner. Dites-moi : Si vous ne croyez pas au Christ, croyez-vous en Dieu ? Est-il vrai, je vous le demande, que Dieu n’ait pas eu de commencement ? Cela est vrai, me répondrez-vous. Mais, dites-moi ; pourquoi ne s’y est-il pas pris dix mille ans plus tôt, pour créer les hommes ? De cette manière, le monde aurait duré plus longtemps. Car si l’existence est un bien, mieux vaut la commencer plus tôt. Mais les hommes ont-ils donc perdu à ne pas exister plus tôt ? Non sans doute, et celui qui les a faits sait pourquoi. Autre question : Pourquoi n’a-t-il pas créé tous les hommes à la fois et en même temps ? L’aîné du premier homme a tant d’années ; l’aîné de l’homme qui naît plus tard en a moins ? Pourquoi a-t-il fait venir au monde les uns plus tôt, les autres plus tard ? Voilà des points vraiment dignes de faire question, sans mériter cependant de curieuses recherches. Mais pourquoi le Christ est-il venu plus tôt ou plus tard ? Il ne faut même pas le demander, car j’ai déjà dit pourquoi, et je ne pourrais que me répéter.
Figurez-vous l’humanité comme ayant une existence à elle : les temps primitifs sont l’adolescence du genre humain ; l’âge suivant est sa jeunesse ; les siècles de décadence sont sa vieillesse. Alors, quand l’âme possède toute sa vigueur, quand le corps a perdu la sienne et ne fait plus la guerre à l’âme, on est porté à la philosophie. Eh bien ! me dira-t-on, dans la pratique il en est tout autrement ; car nous instruisons les jeunes gens. Il est vrai, mais nous ne leur enseignons pas les hautes sciences, mais la rhétorique et l’éloquence : on étudie la philosophie, quand on est dans toute la force de l’âge. Voyez Dieu : c’est ainsi qu’il traite les juifs. Les juifs sont comme des enfants