Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/139

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qui change. L’essence suprême ne se meut-elle d’aucune de ces manières et se meut-elle comme l’âme ? Mais loin de nous cette pensée ! car l’âme se livre à une foule de mouvements déréglés. Vouloir, est-ce agir ? S’il en est ainsi, Dieu veut que tous les hommes soient bons et qu’ils soient sauvés. Comment donc cela n’a-t-il pas lieu ? Vouloir, n’est-ce pas agir ? Alors, pour agir, il ne suffit pas de vouloir. Et comment donc l’Écriture dit-elle : « Tout ce qu’il a voulu, il l’a fait ? » (Ps. 112,11) Et pourquoi le lépreux dit-il au Christ : « Si vous voulez, vous pouvez me purifier ? » (Mt. 8,3) Voulez-vous que je passe à d’autres questions ? Comment le monde a-t-il été tiré du néant ? Comment y retombe-t-il ? Qu’y a-t-il au-dessus du ciel ? et au-dessus de la région supérieure au ciel ? et au-dessus de l’espace supérieur à cet autre espace, et ainsi de suite, jusqu’à l’infini ? Qu’y a-t-il au-dessous de la terre ? la mer. Et au-dessous de la mer ? et toujours ainsi… Mais à droite et à gauche, ne sommes-nous point assiégés par le doute ?
4. Mais les yeux n’ont rien à faire là. Voulez-vous descendre un peu et aborder des sujets qui sont du ressort de la vue et de l’histoire ? Comment se fait-il, dites-moi, que Jonas ait vécu dans le ventre de la baleine ? La baleine n’est-elle pas un monstre privé de raison qui fait des bonds insensés ? Comment donc a-t-elle épargné ce juste ? Comment ce juste n’a-t-il pas étouffé, comment son corps ne s’est-il pas putréfié dans sa prison ? Si la mer est déjà dangereuse, ce séjour dans les entrailles d’un monstre, au milieu d’une atmosphère suffocante, était bien plus dangereux encore. Comment Jonas pouvait-il respirer ? Comment y avait-il là assez d’air pour faire vivre deux créatures ? Comment se fait-il qu’il soit sorti du ventre de la baleine, sain et sauf ? Comment pouvait-il parler, conserver son sang-froid et prier ? Tout cela n’est-il pas incroyable ? C’est incroyable, si nous consultons la raison ; c’est très croyable, si nous consultons la foi. Mais voici quelque chose de plus fort. Le blé dans le sein de la terre se gâte et repousse. Il y a là deux phénomènes merveilleux qui se combattent et qui triomphent l’un de l’autre. Ce blé préservé de la putréfaction, merveille ! ce blé qui se pourrit et qui repousse, merveille encore !…
Où sont ces hommes qui ne croient pas à la résurrection et qui disent : Comment tous ces ossements peuvent-ils se réunir ? et qui tiennent d’autres discours semblables ? Répondez : Comment se fait-il qu’Élie soit monté au ciel sur un char de feu ? (2R. 2,11) Le feu brûle, mais ne sert pas de véhicule. Quel est le secret de sa longue existence ? Dans quel lieu est-il ? Pourquoi ce miracle a-t-il eu lieu ?
Où Enoch a-t-il été transporté ? Se nourrit-il des mêmes aliments que nous ? Qui le retient loin de la terre ? Pourquoi cette translation ? Voyez là des leçons que Dieu nous donne l’une après l’autre. Il a ravi Enoch à la terre ; ce n’est pas là un grand miracle, mais c’est une leçon qui nous prépare à voir Élie enlevé au ciel. Il a enfermé Noé dans l’arche ; ce n’est pas non plus un bien grand miracle, mais c’est une leçon qui nous prépare à croire que Jonas a été enfermé dans le ventre d’une baleine. C’est ainsi que les faits de l’Ancien Testament ont eu besoin aussi de précédents et de symboles. Le premier degré d’une échelle conduit au second, et l’on ne peut arriver du premier au quatrième échelon sans mettre le pied sur les échelons intermédiaires. Il en est de même dans l’échelle des événements. Il y a des symboles qui annoncent d’autres symboles, témoin l’échelle vue par Jacob. Dieu se tenait sur le dernier échelon, et au-dessous de lui étaient les anges qui montaient ou descendaient.
On annonçait que le Père a un Fils : il fallait faire croire à cet article de notre foi. Où voulez-vous que j’en prenne les symboles ? Faut-il, pour vous les faire voir, descendre ou monter l’échelle ? Il fallait faire voir qu’il engendre sans diminution de sa substance : c’est pour cela que nous voyons tout d’abord un sein stérile qui porte des fruits. Mais remontons plus haut. Il fallait nous préparer à croire que Dieu engendra seul et de lui-même. A cet effet, nous voyons aussi paraître un symbole, obscur, il est vrai, comme l’ombre qui figure le corps ; mais enfin le symbole apparaît et devient plus clair avec le temps. L’homme, sans coopération, sans rien perdre de son être, engendre la femme. Et le mystère de l’enfantement d’une Vierge ne réclamait-il point aussi quelque symbole précurseur ? Eh bien ! avant que ce mystère ait lieu, nous voyons jusqu’à deux ou trois fois, nous voyons souvent un sein stérile porter des fruits. C’est là le type du mystère ; c’est le symbole qui nous prépare à y croire. Car si