Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/141

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but. « Enracinés », c’est-à-dire fixes et stables, ne flottant ni à droite, ni à gauche, mais « enracinés », parce que ce qui est enraciné, ce qui a pris racine ne peut être transposé. Voyez comme il emploie toujours le mot propre et comme toutes ses expressions sont bien appliquées ! « Et édifiés sur lui », dit-il, c’est-à-dire, fixant sur lui notre pensée, et « appuyés » sur lui, c’est-à-dire tenant à lui, comme l’édifice tient à sa base. Il montre que leur foi tombait en ruines. C’est ce que signifie le mot « édifiés ». C’est que la foi est un édifice qui a besoin d’être bien assis sur des fondements fermes et stables. Si le terrain n’est pas sûr, l’édifice chancelle ; si le terrain est sûr, mais si l’édifice n’est pas bien assis, il n’est pas plus solide. « Comme vous l’avez appris ». Autre preuve qu’il ne dit rien de nouveau : « Croissant de plus en plus en cette foi, au milieu de continuelles actions de grâces ». C’est le propre de la reconnaissance non seulement de rendre grâces, mais de rendre grâces avec effusion, avec plus d’effusion qu’on n’a appris à le faire, s’il est possible, et de tout son cœur. « Prenez garde que quelqu’un ne vous surprenne », preuve qu’il y a par là un voleur, un intrus qui s’introduit en cachette. Et il a raison de parler de surprise. Il y a par là un de ces malfaiteurs qui creusent sous les murailles pour les faire tomber. C’est son intérêt de poursuivre son œuvre de destruction, sans qu’on s’en aperçoive. « Par la philosophie ». Mais, la philosophie étant respectable à ses yeux, il ajoute : « Et par des raisonnements vains et trompeurs ». Il y a des fraudes salutaires dont nous avons plusieurs exemples et qui ne méritent pas le nom de fraudes. C’est celle dont Jérémie est victime, lorsqu’il dit : « Vous m’avez trompé, Seigneur ». (Jer. 20,7) Ici il n’y a vraiment pas de quoi crier à la fraude. Et la fraude au moyen de laquelle Jacob a surpris son père n’était vraiment pas de la fraude, c’était une trame providentielle. « Par la philosophie », dit-il, et « par des raisonnements vains et trompeurs, selon une doctrine humaine, selon les éléments du monde, et non « selon Jésus-Christ ».
Il blâme ici l’attention superstitieuse dont certains jours étaient l’objet, en parlant des éléments du monde, c’est-à-dire du soleil et de la lune. C’est ainsi qu’il disait dans l’épître aux Galates : « Comment vous tournez-vous vers ces éléments du monde impuissants et défectueux ? » (Gal. 4,9) Il ne parle pas spécialement de l’observation des jours ; il parle en général du monde, pour montrer combien ce monde et à plus forte raison ses éléments ont peu de valeur. C’est après avoir mis sous leurs yeux la multitude des bienfaits de Dieu, qu’il les accuse, pour donner plus de poids à l’accusation par le tableau des bienfaits, et pour convaincre ses auditeurs. C’est la méthode des prophètes ; ils montrent les bienfaits de Dieu pour aggraver la faute des pécheurs. Isaïe s’écrie : « J’ai engendré, j’ai exalté des fils, et ils m’ont méprisé ». (Is. 1,2) Et Michée : « Ô mon peuple, que t’ai-je fait, quelle douleur, quel chagrin t’ai-je causé ? » (Mic. 6,3) Et David : « Je t’ai exaucé dans une nuit d’orage ». (Ps. 80,8) Et dans un autre endroit : « Ouvre la bouche, et je la « remplirai de mes dons ». Partout, chez les prophètes, on trouvera cette méthode. Ainsi, quoi que pussent dire les imposteurs, il ne faudrait pas les écouter, et même, tout souvenir des bienfaits de Dieu mis à part, il faut fuir tous les pièges de ces raisonneurs. Lors même en effet que vous pourriez servir deux maîtres, il ne faut pas vous rendre esclaves de ces sophistes. Mais leurs raisonnements ne vous permettent pas de suivre le Christ et vous en détournent. Après avoir battu en brèche les observations superstitieuses des gentils, il attaque victorieusement la superstition des juifs. Car juifs et gentils se livraient à des observations superstitieuses ; seulement, la source de ces observations étaient la loi pour les juifs, la philosophie pour les gentils. Il commence par s’en prendre à ceux chez lesquels il y a le plus à blâmer. Que dit-il ? Il parle de ces observations qui n’étaient pas « selon le Christ ». — « C’est en lui, en effet, que toute la plénitude de la divinité habite corporellement (9). Et c’est en lui que vous en êtes remplis ; lui qui est le chef de toute principauté et de toute puissance (10) ».
2. « Parce que la plénitude de la divinité habite en lui », c’est-à-dire, parce que Dieu habite en lui. Mais n’allez pas croire que Dieu soit renfermé en lui, comme dans un corps. Il dit : « Toute la plénitude de la divinité corporellement. Et c’est en lui que vous en êtes remplis ». Il y en a qui prétendent que c’est l’Église qui reçoit son accomplissement de la divinité de Jésus-Christ, selon ce que saint Paul dit ailleurs : « Qui accomplit tout en