Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/156

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vos membres qui sont sur la terre ». On ne peut rester avec de pareils membres, dans la région céleste ; ils n’y ont que faire. Cette boue-là est pire que l’homme physique qui est aussi de la boue. Cette boue, en effet, devient de l’or. « Cette chair corruptible doit revêtir l’incorruptibilité ». (1Cor. 15,53) Mais la boue du péché, on ne peut pas la refondre pour forger de l’or. Voilà pourquoi il n’a pas dit : Qui appartiennent à la terre ; voilà pourquoi il a dit : « Qui sont sur la terre » ; car il peut arriver que nos membres n’appartiennent pas à la terre. Ceux qui s’attachent à la terre sont nécessairement sur la terre ; les autres, non. L’oreille qui n’entend pas les bruits de la terre et qui n’écoute que les bruits du ciel, l’œil qui perd le monde de vue, pour regarder en haut, ne sont point sur la terre. Elle n’est point sur la terre cette bouche dont les paroles n’ont rien de terrestre. Elle n’est point sur la terre cette main qui ne fait rien de terrestre, qui ne fait point le mal et qui ne travaille que pour le ciel.
4. Le Christ dit : « Si votre œil droit vous scandalise » par ses regards impudiques, « arrachez-le », c’est-à-dire déracinez toute mauvaise pensée. Tous ces mots, impureté, abominations, mauvais désirs, ont le même sens, le sens de fornication. 11 veut nous détourner de ce vice par toutes les expressions qu’il emploie. C’est qu’un pareil vice est une maladie de l’âme fort sérieuse ; c’est la fièvre, c’est la plaie de l’âme. Il ne dit pas « réprimez », il dit « mortifiez », anéantissez cette passion ; portez-lui des coups dont elle ne puisse pas se relever. Ce qui est mort nous l’enlevons ; un durillon est une partie morte, nous l’enlevons. Si nous tranchons dans le vif, nous souffrons ; mais si nous retranchons un membre mort, nous ne le sentons même pas. C’est ainsi que nous devons agir dans les affections et les maladies de l’âme qui rendent impure et font souffrir cette âme immortelle. Pourquoi l’apôtre appelle-t-il l’avarice une idolâtrie, nous l’avons dit souvent. Les passions les plus tyranniques sont l’avarice, l’intempérance et l’incontinence. « Elles attirent la colère de Dieu sur ses fils désobéissants ». Il parle ici de désobéissance, en les déclarant par là indignes de pardon, en montrant que c’est leur désobéissance qui les plonge dans l’abîme. « Et vous avez vous-mêmes commis ces actions criminelles, quand vous viviez dans ces désordres et quand vous vous laissiez persuader par les impies ». Il montre qu’ils ont encore un pied dans le vice ; mais il leur adresse un mot d’éloge, en leur disant : « Mais maintenant quittez aussi vous-mêmes tous ces péchés : la colère, l’aigreur, la malice, la médisance : plus de paroles déshonnêtes ». Pour ne pas les blesser, ce n’est pas sur eux, c’est sur d’autres qu’il fait porter ses reproches. Les médisances sont les mots blessants, les injures, de même que la malice est encore de la colère. Ailleurs, pour faire rougir ses auditeurs de leurs procédés, il leur dit : « Soyez les membres l’un de l’autre ». (Eph. 4,25) Il les représente comme devant former un seul homme ayant les mêmes sympathies et les mêmes répulsions. Dans le passage ci-dessus il se sert du mot « membres ». Dans cette épître il dit : « Tous les péchés », désignant ainsi tous les membres du vieil homme, le cœur par la colère, la bouche par la médisance, les yeux par la fornication, les mains et les pieds par l’avarice et par le mensonge, la pensée elle-même et le vieil esprit. Quant à la forme du nouvel homme, c’est une forme royale, c’est la forme du Christ. Saint Paul semble ici faire allusion surtout aux gentils, pour montrer que tous les membres de la société, les grands, comme les petits, sont les membres d’un même corps qui a une forme royale. La terre n’est que du sable ; mais elle perd sa première forme et devient or. La laine, quelle qu’elle soit, prend une nouvelle forme qui déguise la première. Il en est de même du fidèle. « Vous supportant les uns les autres », dit-il. C’est justice : supporte ton prochain et que ton prochain te supporte. C’est ce qu’il dit encore dans son épître aux Galates : Supportez le fardeau les uns des autres. (Gal. 6,2) « Et soyez reconnaissants », ajouta-t-il. (Col. 3,15) Partout il s’applique à recommander la reconnaissance, qui est la première des vertus.
5. Il faut donc, en toute circonstance et quoi qu’il arrive, rendre grâces à Dieu. Voilà la véritable reconnaissance. Lui rendre grâces dans la prospérité n’a rien de bien méritoire ; car c’est chose toute naturelle. Mais lui rendre grâces, quand nous sommes dans la détresse, voilà ce qu’il y a d’admirable. Lui rendre grâces de ce qui pousse les autres au blasphème, de ce qui les jette dans l’impatience, voilà la philosophie ! Agir ainsi c’est réjouir le cœur de Dieu, c’est humilier le démon, c’est déclarer que le malheur n’est rien. C’est à la fois rendre