Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/179

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accomplissiez pleinement, toujours avec zèle, tout ce que Dieu demande de vous ». Votre ministère, ce n’est pas de nous, c’est de Dieu même que vous le tenez. Et il les soumet au ministre de Dieu, en disant que c’est de Dieu même qu’il tient son ministère. « Souvenez-vous de mes liens. La grâce soit avec vous ! « Ainsi soit-il ». Il les affranchit de toute crainte. Leur maître a beau être chargé de fers ; la grâce vient l’en délivrer. Et c’est encore un effet de la grâce que cet aveu de Paul qui proclame sa captivité. Écoutez cette parole de saint Luc : « Les apôtres sortaient du conseil, pleins de joie ; ils avaient été jugés dignes de souffrir cet outrage pour le nom de Jésus ». C’est qu’il est vraiment honorable d’être, pour le nom de Jésus, abreuvé d’outrages et chargé de fers. N’est-ce pas un bonheur de souffrir pour celui qu’on aime et surtout pour Jésus-Christ ?
Cela étant, ne supportons pas avec peine les afflictions pour le Christ, mais souvenons-nous des liens de Paul, et qu’ils nous servent de leçon. Prêchez-vous par exemple la charité au nom du Christ, rappelez-vous les liens de Paul, et déclarez que, vous et vos auditeurs, vous seriez des misérables de refuser du pain aux pauvres, quand Paul s’est laissé charger de liens pour l’amour du Christ. Vous êtes fier de vos bonnes œuvres : souvenez-vous des liens de Paul, et vous verrez combien il est injuste que Paul soit chargé de liens, quand vous nagez dans les délices. Vous soupirez après les plaisirs songez à la prison de Paul : vous êtes son disciple, vous êtes son compagnon d’armes. Est-il rationnel que votre compagnon d’armes soit dans les fers, tandis que vous nageriez dans les plaisirs ? Vous êtes dans l’affliction, vous vous croyez abandonné : écoutez les paroles de Paul, et vous verrez que l’affliction n’est pas un signe d’abandon. Vous voulez avoir des robes de soie : souvenez-vous des liens de Paul, et vos robes de soie auront moins de prix à vos yeux que des haillons. Vous voulez que l’or brille sur vos vêtements souvenez-vous des liens de Paul, et cet or vous fera l’effet d’un brin de jonc desséché. Vous voulez orner votre chevelure et paraître belle pensez au dénuement de Paul dans sa prison, et vous serez éblouie par l’éclat des vertus des apôtres, et tous ces ornements mondains vous sembleront hideux, et vous gémirez profondément, et vous envierez à Paul ses liens. Vous prend-il fantaisie de mettre du fard, et de recourir à de semblables moyens pour peindre votre visage ? pensez aux larmes de Paul ; il a passé trois ans à pleurer, nuit et jour, dans sa prison. Que de pareilles larmes vous servent d’ornement ; elles donneront à votre visage un pur éclat. Je ne vous dis pas de pleurer sur les autres, je voudrais qu’il en fût ainsi, mais cette charité est au-dessus de vous. Tout ce que je vous demande, c’est de pleurer sur vos péchés. Vous avez donné l’ordre que votre enfant fût enfermé et vous êtes irritée : souvenez-vous de la prison de Paul, et votre colère s’arrêtera. Souvenez-vous que vous êtes du nombre des victimes, et non des bourreaux ; du nombre de ceux dont le cœur est brisé, et non pas de ceux qui brisent le cœur des autres. Votre joie se répand au-dehors, et vous poussez de grands éclats de rire : souvenez-vous des larmes de Paul, et vous gémirez ; ces larmes-là vous rendront bien plus belle. Vous avez vu ces hommes qui se livrent au plaisir et qui dansent : souvenez-vous des larmes de Paul. Est-il une source d’où l’eau jaillisse avec autant d’abondance que les larmes de ses yeux ? Il dit, ailleurs : « Souvenez-vous de mes larmes » (Act. 20,31), comme il dit ici : « Souvenez-vous de mes liens ». Et il avait raison de parler ainsi à ces prêtres qu’il faisait venir d’Éphèse à Milet ; car il parlait à des maîtres qu’il voulait rassembler autour de lui. Ici, au contraire, tout ce qu’il demande à ses auditeurs, c’est de savoir traverser les, épreuves.
3. Quelle source féconde pourrait être comparée aux larmes de Paul ? Serait-ce celle qui venait du paradis et qui arrosait toute la terre ? Mais ses larmes, à la différence de cette source, n’arrosaient pas la terre, elles arrosaient les âmes. Qu’on nous montre Paul pleurant et gémissant, ce spectacle sera bien préférable au spectacle de tous ces chants de théâtre, malgré leur élégance et leurs couronnes de fleurs. Je ne parle point ici de vous ; mais que l’on prenne sur la scène ou au théâtre un de ces débauchés qui ne ressentent d’ardeur que pour la beauté – physique, qu’on lui montre une vierge à la fleur de l’âge, plus belle et plus jolie que toutes ses compagnes, avec ses yeux doux et veloutés, avec des yeux souriants où la pudeur se mêle à la grâce, une vierge aux paupières soyeuses et frangées de cils d’ébène, une vierge au front pur et aux regards parlants, aux joues vermeilles comme le carmin