Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/207

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foi ». Que dites-vous ? Celui qui connaît tant de choses, celui qui a entendu les paroles mystérieuses, celui qui est monté jusqu’au troisième ciel, il y a quelque chose qu’il ne connaît pas, et cela lorsqu’il est à Athènes, dans une ville qui n’est pas très-éloignée de Thessalonique, quand la séparation date de si peu de temps ? « Comme des orphelins », dit-il, « loin de vous pour un peu de temps ». (Chap. 2,17) Ainsi un tel homme ne connaît pas l’état de ceux de Thessalonique, et il faut nécessairement qu’il leur envoie Timothée, pour reconnaître l’état de leur foi ? « Ayant appréhendé », dit-il, « que le tentateur ne vous eût tentés, et que notre travail ne devînt inutile ». Quoi donc, dira-t-on, est-ce que ces grands saints ne savaient pas tout ? Non ; et c’est ce que l’on peut conclure d’un grand nombre d’anciens exemples et de ceux qui les ont suivis. Ainsi Élisée ne connaissait pas la pauvre veuve. (2Ro. 4,1 ss) Ainsi Élie disait à Dieu : « Je suis demeuré seul, ils cherchent encore à m’ôter la vie » ; ce qui lui valut de Dieu cette réponse : « Je me suis réservé sept mille hommes ». (1Ro. 19,10-18) Et quand Samuel fut envoyé pour oindre David, le Seigneur lui dit : « N’ayez égard, ni à sa bonne mine, ni à la grandeur de sa taille, parce que j’ai rejeté Saül, et que je ne juge pas des choses par ce qui en paraît aux yeux des hommes ; car l’homme ne voit que le dehors, mais le Seigneur regarde le fond du cœur » (1Sa. 16,7) ; ce qui marque la sollicitude et la providence de Dieu. Comment et pourquoi ? Et pour les saints eux-mêmes, et pour ceux qui se confient aux saints. Car, de même que c’est Dieu qui permet les persécutions, de même c’est encore Lui qui permet que les saints ignorent beaucoup de choses, afin de les réduire à la modération ; de là ce que Paul disait lui-même. « J’ai ressenti, dans ma chair, un aiguillon qui est l’ange de Satan, pour me donner des soufflets » (2Co. 12,7), c’est-à-dire pour que je ne m’élève pas trop dans mes pensées. Dieu l’a voulu ainsi pour que les autres hommes n’allassent pas s’imaginer de trop grandes choses à son sujet.

Et en effet, si à voir les miracles que les saints ont opérés, on les a pris pour des dieux (Act. 14,10), cette erreur se serait bien plus propagée, s’ils eussent toujours montré la connaissance de toutes choses. Aussi le même Paul dit encore : « Je ne veux pas que l’on m’estime au-dessus de ce que l’on voit en moi, ou de ce que l’on entend dire de moi ». (2Co. 12,6) Et maintenant, écoutez les paroles de Pierre, quand il eut guéri le boiteux : « Pourquoi nous regardez-vous avec des yeux étonnés, comme si c’était par notre vertu, ou par notre puissance, que nous eussions fait marcher ce boiteux ? » (Act. 3,12) Si ces paroles, ces actions, malgré l’infirmité de ceux qu’on entendait, qu’on voyait, provoquaient des suppositions fausses, que serait-il arrivé s’ils eussent été revêtus de toute espèce de grandeur ? Pierre ne veut pas qu’on puisse attribuer à une nature surhumaine, dont les apôtres seraient doués, les grandes œuvres qu’ils opèrent ; il veut prévenir une adoration insensée ; voilà pourquoi il montre la faiblesse des apôtres ; il veut couper court à tout prétexte d’orgueil, et voilà pourquoi Paul montre ici une certaine ignorance ; voilà encore pourquoi, bien qu’il se fût souvent proposé d’aller à Thessalonique, il n’y a pas été ; c’est pour qu’on sache, à n’en pas douter, qu’il y a beaucoup de choses qu’il ignore ; cette ignorance offrait donc un grand avantage. D’ailleurs, même avec cette ignorance, il y avait encore un grand nombre de gens qui le nommaient la grande vertu de Dieu ; d’autres l’exaltaient de diverses manières ; s’il n’eût pas paru ignorant, que n’auraient-ils pas pensé de lui ? Maintenant, il semble qu’il y ait, dans ces paroles, comme un reproche ; si pourtant on les considère avec attention, elles montrent bien plutôt que les gens de Thessalonique méritent l’admiration, par leur vertu qui surmontait les tentations. Comment cela ? Soyez attentifs.

En effet, vous leur avez d’abord dit, ô bienheureux Paul, que vous étiez destiné pour souffrir ces maux, et de plus, vous leur avez encore dit, que personne donc ne se trouble ; pourquoi, maintenant, leur envoyez-vous Timothée, comme si vous aviez peur que ce que vous redoutez n’arrive ? L’apôtre n’écoute ici que son affection ; ceux qui aiment redoutent même les dangers qui n’existent pas, c’est le caractère d’une charité ardente ; de plus, l’apôtre s’inquiète du grand nombre des tentations. Sans doute, j’ai dit, « ce à quoi nous sommes destinés », mais l’excès des maux m’a effrayé. Aussi l’apôtre ne dit-il pas qu’il les condamne, en leur envoyant Timothée,