Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/302

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Paul montre que les choses se passaient ainsi par le soin des apôtres. D’ailleurs ce n’était pas une faible puissance que de pouvoir commander au démon ; Paul montrait par là que celui-ci est asservi et cède malgré lui aux apôtres ; signe très-propre à faire briller la grâce dont jouissaient les apôtres. Et comment les a-t-il livrés ? Écoutez-le. « Lorsque vous serez rassemblés », dit-il, « avec mon esprit et la force de Notre-Seigneur Jésus-Christ, livrez-le à Satan ». (1Cor. 5,4-5) Il était chassé de l’assemblée des fidèles, séparé du troupeau, abandonné, dépouillé, livré au loup. Comme la nuée faisait reconnaître le camp des Hébreux, de même l’Esprit faisait reconnaître l’Église. Si donc quelqu’un en était éloigné, il était consumé ; et il en était éloigné par le jugement des apôtres. C’est ainsi que le Seigneur a livré Judas à Satan ; car dès qu’il eut pris la bouchée de pain, Satan entra dans lui. (Jn. 13,26, 27) Il faut conclure de cela, que ceux qu’ils voulaient convertir, ils ne les châtiaient pas eux-mêmes ; mais ne le faisaient que pour ceux qui étaient incorrigibles ; ou du moins qu’ils se rendaient plus redoutables, en les livrant à un autre pouvoir. Job aussi fut livré à Satan, mais ce n’était pas à cause de ses péchés, c’était pour accroître sa gloire.
3. Bien des faits semblables se produisent même de nos jours. Car si les prêtres ne connaissent pas tous les pécheurs, tous ceux qui participent indignement aux saints mystères, Dieu les livre souvent lui-même à Satan. Lorsque les maladies, les trahisons, les douleurs et les calamités de toutes sortes nous arrivent, la cause en est là. C’est ce que dit Paul par ces paroles : « C’est pour cela que parmi vous plusieurs sont faibles et débiles, et que ceux qui l’ont mérité dorment ». (1Cor. 11,30) Et comment cela, dira-t-on, tandis que nous n’approchons qu’une fois chaque année de la sainte table ? Et voilà ce qui est effrayant ; c’est que ce n’est point la pureté de la conscience, mais l’intervalle écoulé qui détermine pour vous la convenance de cet acte ; vous croyez que la prudence consiste à ne pas approcher souvent, ignorant que la communion indigne, ne fût-elle faite qu’une seule fois, vous a souillés, tandis qu’une communion dignement faite, même souvent répétée, vous sauverait. Ce n’est point témérité que d’approcher souvent ; la, témérité c’est de le faire indignement, ne fût-ce qu’une fois dans la vie. Si nous sommes si insensés et si malheureux, c’est que, commettant mille péchés durant tout le cours de l’année, nous ne nous mettons point en peine de nous en laver, et nous croyons qu’il nous suffit de ne pas commettre de continuelles insolences, de ne pas fouler sans cesse aux pieds le corps du Christ, ne réfléchissant pas que ceux qui ont crucifié le Christ ne l’ont crucifié qu’une fois ; mais un péché est-il moindre parce qu’il n’est commis qu’une fois ? Judas n’a trahi qu’une fois ; eh bien ! Cela l’a-t-il sauvé ?
Pourquoi donc arrêter sa pensée sur le temps où se fait une action ? Que le temps de la communion soit pour vous le temps de purifier votre conscience. Le mystère accompli à Pâques n’est en rien supérieur à celui que nous accomplissons en ce temps ; c’est un seul et même mystère, c’est toujours la pâque ; vous le savez, initiés : la veille et le jour du sabbat, le dimanche et le jour de la fête des martyrs, c’est le même sacrifice qui est offert. « Chaque fois que vous mangez ce pain ou que vous buvez ce calice, vous annoncez la mort du Seigneur ». (Id. 26) L’apôtre ne limite point le temps du sacrifice. Pourquoi, dira-t-on, l’appeler la pâque ? Parce que c’est alors que le Christ a souffert pour nous.
Que personne donc n’approche en des conditions différentes dans un temps et un autre temps ; c’est la même vertu du sacrifice, la même dignité, la même grâce, le même corps ; cette hostie n’est pas plus sainte, cette autre inférieure en dignité. Vous le savez vous-mêmes, car vous ne voyez rien de nouveau, que ces tapisseries terrestres et cette foule parée. Ce que ces jours ont de plus que les autres, c’est qu’ils furent le principe du jour de notre salut, où le Christ a été immolé ; mais quant aux mystères eux-mêmes, ils ne l’emportent point sur les autres. Comment donc, dites-moi, vous lavez-vous la bouche pour prendre une nourriture matérielle, et ne lavez-vous pas votre âme, mais demeurez-vous plein d’impureté pour approcher de la sainte table ? Les quarante jours de jeûne ne suffisent-ils pas, direz-vous encore, pour nous purifier des nombreuses immondices de nos péchés ? Mais, dites-moi, à quoi servirait-il de nettoyer la place où l’on versera des parfums abondants, si, peu après les avoir répandus, on y jette du fumier ? La bonne odeur ne disparaît-elle pas ? C’est ce