Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/312

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et spectacle que de faire sortir des larmes d’un cœur où réside tant d’amour du luxe et tant de vanité ? Mettez de côté toute cette comédie : on ne se joue point de Dieu. Tout cela convient aux mimes et aux danseurs qui figurent sur la scène, mais nullement à une femme pudique.
2. « Avec pudeur et retenue ». N’imitez donc pas les femmes perdues, car c’est par de telles parures qu’elles séduisent leurs amants ; c’est là ce qui fait naître tant de soupçons contre tant de femmes et sans nul avantage, car cette mauvaise renommée n’engendre pour autrui que du mal. La femme impudique, eût-elle bonne renommée, n’en tirera aucun avantage, quand celui qui juge les actions cachées produira tout au grand jour ; de même la femme honnête, si elle acquiert la réputation d’adultère par les soins qu’elle donne à son extérieur, ne tirera point avantage de son honnêteté, car sa renommée a perdu des âmes. Que puis-je faire, direz-vous, si un autre me soupçonne ? C’est que vous y donnez occasion par votre parure, par vos regards et par votre tenue. C’est pour cela que Paul insiste sur la toilette et sur la pudeur. Mais s’il retranche ainsi ce qui n’est que marque d’opulence, l’or, les perles, les vêtements somptueux, combien plus les artifices de la coquetterie, le fard, la peinture des yeux[1], la démarche molle, la voix énervée[2], un œil langoureux et impudique, les voiles, les tuniques d’une forme si étudiée, et les ceintures d’un travail encore plus exquis, les chaussures faites avec tant d’art. Il a entendu bannir tout cela, quand il a dit : « Vêtues avec convenance », et : « Avec pudeur » ; car ce sont là des parures qui conviennent à l’impudeur et à l’effronterie.
Supportez ce discours, je vous prie, car le prédicateur énonce des reproches sans déguisement, non pour blesser et faire souffrir, mais pour éloigner du troupeau tout ce qui lui est contraire. Et si l’apôtre défend tout cela aux femmes mariées et riches qui vivent dans l’opulence, combien plus à celles qui ont adopté la virginité. Mais, dira-t-on, quelle vierge porte des bijoux et des frisures ? Elles apportent tant de recherches dans leurs simples vêtements que la parure n’est rien auprès. On peut, avec des vêtements peu coûteux, avoir plus de recherche qu’une femme couverte de bijoux. Une robe d’un beau bleu, serrée avec soin par la ceinture, comme celles des danseuses du théâtre, en sorte qu’elle ne soit ni gonflée à droite ni retirée à gauche, mais que les deux côtés de la taille soient parfaitement symétriques, avec des plis nombreux sur la poitrine, ne charmera-t-elle pas plus que des vêtements de soie ? La chaussure d’un noir bien brillant, terminée en pointe, sera d’une perfection artistique et aura peine à contenir le pied ? Le visage ne sera pas fardé, mais lavé bien à loisir et l’on couvrira le front d’un voile plus blanc que le visage lui-même, puis par dessus on jettera un voile flottant dont la couleur noire ressortira sur le blanc. Et que dirait l’apôtre de ces yeux roulant sans cesse, de ce nœud de la ceinture qui tantôt se cache et tantôt se découvre, de manière à faire ressortir l’art avec lequel la ceinture est enlacée, tandis que le voile est relevé autour de la tête ? Les mains, comme celles des acteurs tragiques, sont gantées avec tant de soins, que le gant ne semble faire qu’un à la main. Que dirait-il encore de cette démarche et de ces manières plus capables que tous les bijoux de séduire ceux qui les voient ? Craignons, mes biens-aimés, d’entendre aussi, nous, ce que le Prophète disait aux femmes des Hébreux préoccupées de leur parure extérieure. « Au lieu d’une ceinture vous vous ceindrez d’une corde, et votre tête, aujourd’hui parée, sera chauve ». (Is. 3,24) Ainsi, cette toilette est plus dangereuse que les bijoux ; bien d’autres s’y sont étudiées pour être vues et captiver ceux qui les regardaient. Ce n’est point là une faute légère, mais une arme capable d’irriter Dieu et de corrompre les vierges.
3. Vous avez le Christ pour époux, pourquoi voulez-vous gagner des amants parmi les hommes ? Le Christ vous condamnera comme adultères. Pourquoi n’adoptez-vous pas la parure qui lui convient, celle qu’il aime : la pudeur, la retenue, la décence, un vêtement modeste ? le vôtre est celui d’une femme déshonorée. On ne reconnaît plus les femmes impudiques et les vierges ; voyez à quelle inconvenance celles-ci sont arrivées. Une vierge doit être dépourvue de recherche, simple et sans art, et celle-ci invente mille artifices pour parer son extérieur. Laisse là cette folie, femme, donne tes soins à la parure intérieure de

  1. Cet usage existe encore chez les femmes turques.
  2. Comme les « incroyables » du Directoire, qui avaient horreur des consonnes.