Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/347

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comme les autres ; car il n’est point de maison, il n’en est point, quelque somptueuse qu’elle soit, qui l’emporte sur les édifices publics ; demeurez-y autant qu’il vous plaira, ils sont à vous, à vous comme aux autres ; ils sont publics et non privés. Mais cela ne vous satisfait pas, dites-vous. Non, d’abord par l’effet de l’habitude, puis par celui de la cupidité. C’est donc la cupidité qui fait l’agrément d’une chose, et non sa propre beauté. Le plaisir c’est d’être cupide et de vouloir s’approprier ce qui est à tous.
Eh ! jusques à quand serons-nous cloués et collés à la terre ? Jusques à quand nous roulerons-nous dans la boue comme des vermisseaux ? Dieu nous a fait un corps de terre afin que nous l’élevions vers le ciel, et non pour qu’il nous serve à abaisser notre âme elle-même vers la terre ; mon corps est terrestre, mais, si je le veux, il devient céleste. Voyez quel honneur Dieu nous a fait, en nous confiant une si grande œuvre. C’est moi, dit-il, qui a fait le ciel et la terre ; je te rends participant de la création : fais de la terre un ciel, tu le peux. On dit de Dieu qu’il fait et qu’il change tout. (Amo. 5,8) Il a aussi donné cette puissance aux hommes, comme un père plein de tendresse, qui sait peindre, mais qui veut aussi instruire son fils dans cet art. Je t’ai donné, nous dit-il, un corps qui est beau ; je te confie l’accomplissement d’une œuvre plus grande : fais une belle âme. J’ai dit en effet : Que la terre produise l’herbe verdoyante… et les arbres portant des fruits » (Gen. 1,11) ; dis aussi, toi : Que la terre produise son fruit, et tout ce que tu voudras faire se produira. Je fais la chaleur et le brouillard ; je suis l’auteur du tonnerre et le créateur du vent, j’ai formé le dragon, c’est-à-dire le démon pour me jouer de lui. (Ps. 103,26) Je ne t’ai point envié cette puissance : joue-toi de lui, si tu le veux ; car tu peux le lier comme un petit oiseau. Je fais lever mon soleil sur les bons et sur les méchants : imite-moi, fais part de tes biens aux bons et aux méchants. Je suis patient dans les outrages, et je fais du bien à ceux qui me les adressent ; imite-moi, car tu le peux. Je fais le bien, non pour en obtenir en retour ; imite-moi, et tu ne le feras plus pour obtenir un retour, pour qu’on te le rende. J’ai allumé des flambeaux pour le ciel : allumes-en de plus brillants, car tu le peux ; éclaire ceux qui sont dans l’erreur, le bienfait de me connaître est plus grand que celui de voir le soleil. Tu ne peux créer un homme, mais tu peux former un juste, un homme agréable à Dieu. J’ai créé sa substance, embellis sa volonté. Vois combien je t’aime et pour quels grands objets je t’ai donné du pouvoir.
Voyez, mes bien-aimés, quel honneur vous recevez ; et cependant il est des insensés, des ingrats qui demandent pourquoi nous sommes maîtres de notre volonté. Dans tous ces objets que nous venons de parcourir, nous pouvons imiter Dieu ; il nous serait impossible de le faire si notre volonté n’était pas libre. Je règne, dit-il, sur les anges, et toi aussi par tes prémices. Je suis assis sur un trône royal, et toi aussi par tes prémices[1] : « Il nous a ressuscités et nous a fait asseoir à la droite de « Dieu ». (Eph. 2,6) Les chérubins, les séraphins, toute l’armée des anges, les principautés, les puissances, les trônes, les dominations, s’inclinent devant toi à cause de tes prémices. N’accuse pas ton corps, qui jouit d’un honneur si grand, que les puissances incorporelles vénèrent. Mais que dis-je ? Ce n’est pas seulement par là que je veux te gagner, mais aussi par mes souffrances. C’est pour toi que l’on m’a craché au visage, que l’on m’a souffleté, que j’ai anéanti ma gloire, et que, descendant du séjour de mon Père, je suis venu vers toi, qui me haïssais, qui te détournais de moi et ne voulais pas entendre mon nom ; j’ai couru à ta poursuite afin de te saisir ; je t’ai uni et attaché à moi-même ; je t’ai dit : Mange ma chair et bois mon sang ; je t’élève au ciel et je viens t’embrasser sur la terre. Je ne me suis pas contenté de placer si haut tes prémices, cela ne suffisait pas à mon amour. Je suis descendu sur la terre ; et je ne me joins pas seulement à toi, mais je pénètre tout ton être, je suis mangé par toi, je m’amincis peu à peu, afin que la fusion, que l’union soient plus parfaites. Ce qui s’unit demeure dans les limites de sa propre étendue, mais moi je ne fais plus qu’un tout avec toi. Je veux que rien ne nous sépare plus ; je veux que nous ne fassions plus qu’un. Sachant cela, sachant la grande tendresse de Dieu pour nous, faisons tout pour ne pas être indignes de si grands dons ; obtenons-les tous dans le

  1. C’est-à-dire, l’Homme-Dieu, qui est les prémices de l’humanité, et qui est assis à la droite de Dieu son Père. (J.- B. J)