Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/38

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nous aussi s’exerce la divine pitié. C’est autant pour nous que pour lui que nous provoquons la miséricorde ; l’heure suprême du jugement doit sonner ; alors que menacera ce feu effroyable, la miséricorde se trouvera prête à l’éteindre, prête aussi à nous ouvrir le règne de l’éternelle lumière. Grâce à elle, nous serons délivrés des flammes de l’enfer ; grâce à elle, Dieu nous ouvrira son sein miséricordieux. Et pourquoi aura-t-il à notre égard des entrailles de pitié ? Ah ! c’est que la charité, l’amour se prouve par la miséricorde. Rien n’irrite le Seigneur autant qu’un cœur fermé à la pitié. Un jour, on lui offrait un homme qui lui devait dix mille talents ; touché de compassion, il lui remit sa dette. Mais dès que ce méchant se prit à saisir à la gorge son compagnon de service pour lui faire payer une dette de cent deniers ; aussitôt le Seigneur livra aux exécuteurs cet être inhumain, jusqu’à complet paiement de sa dette. Après une telle leçon, soyons donc miséricordieux pour nos débiteurs, soit d’argent, soit de péché que chacun oublie les, injures, à moins que par hasard il ne préfère se blesser lui-même, puisque, en ne pardonnant pas, vous faites moins de tort à l’adversaire qu’à vous-même. Si vous le punissez, Dieu ne le punira pas ; si vous lui pardonnez, ou bien Dieu le punira, ou bien il vous remettra vos péchés. Comment donc osez-vous espérer le royaume céleste, si vous ne pardonnez pas aux autres ? Evitons un si grand malheur que de perdre le ciel ; remettons à tous, car c’est remettre à nous-mêmes ; pardonnons pour que Dieu nous pardonne nos péchés, et qu’ainsi nous puissions gagner ces biens à venir, etc.

HOMÉLIE V.


SI DONC IL Y A QUELQUE CONSOLATION EN JÉSUS-CHRIST, S’IL Y A QUELQUE CONSOLATION DANS LA CHARITÉ ; SI L’UNION DES ESPRITS ET DES CŒURS, SI LA TENDRESSE, SI LA MISÉRICORDE A CHEZ VOUS QUELQUE EMPIRE, RENDEZ MA JOIE PARFAITE, EN VOUS TENANT PLUS UNIS ENCORE DE PENSÉE, D’ÂME, DE SENTIMENTS. (CHAP. 2,1-4)

Analyse.


  • 1. Il les invite à l’unité de cœur, au nom des motifs les plus sacrés de la religion. – Il les détourne de l’orgueil par d’instantes prières ; éloge de l’humilité.
  • 2 et 3. L’orgueil, passion ridicule et injuste devant Dieu. – Exemples d’humilité dans Joseph, Daniel et les saints apôtres.


1. On n’est pas meilleur, on n’est pas plus tendre que ce Docteur spirituel ; aucun père selon la nature ne montre une plus grande affection. Remarquez plutôt quelle prière notre bienheureux adresse aux Philippiens pour leurs plus chers intérêts. Car il les exhorte à la concorde, source de tous les biens, et que ne dit-il pas ? Qu’il est abondant ! qu’il est véhément ! qu’il est tendre et sympathique ! Reprenons ses paroles : « S’il y a quelque consolation en Jésus-Christ », oui, si vous avez en lui quelque consolation ; c’est comme s’il disait : Si vous avez pour moi quelque égard, si vous me portez quelque amitié, si je vous ai rendu quelque service, faites ce que je demande. – Cette figure de langage nous est familière, quand nous voulons obtenir une faveur à laquelle nous attachons le plus haut prix. Si cette faveur n’avait pour nous une valeur incomparable, nous ne voudrions pas la recevoir seule en retour de tout ce qui nous est dû, nous ne dirions pas qu’à elle seule elle représente tout le reste. Toutefois, de notre côté, ce sont toujours des bienfaits temporels que nous alléguons : un père dira par exemple à son fils : Si tu as quelque respect pour ton père, s’il te souvient encore de ton éducation si coûteuse, si tu me gardes quelque amour, si tu as mémoire encore de l’honneur du nom que je t’ai légué et du bon vouloir que je t’ai montré, ne sois pas l’ennemi de ton frère ; en un mot, pour tous ces bienfaits je te demande ce seul acte de reconnaissance. Du côté de Paul, la prière est bien différente ; il ne leur rappelle