Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/409

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« Saluez Priscille et Aquilas ». Saint Paul parle souvent de ces personnes chez qui il avait demeuré avec Apollon. Il met la femme avant le mari, à ce qu’il me semble, parce qu’elle avait plus de zèle et de foi. C’était elle qui avait pris Apollon chez elle. Ou bien saint Paul les nomme ainsi indifféremment et au hasard. Ce n’était pas une faible consolation pour eux que cette salutation, c’était une preuve de considération et d’affection ; c’était en même temps une communication de la grâce. Il n’en fallait pas plus que la salutation de ce grand et bienheureux apôtre pour combler de grâce celui à qui elle était adressée. – « Eraste est demeuré à Corinthe, j’ai laissé Trophime malade à Milet ». Nous avons fait connaissance avec celui-ci ainsi qu’avec Tychique dans le livre des Actes. Il les avait amenés de la Judée, et les conduisait partout avec lui, peut-être parce qu’ils étaient plus zélés que les autres. – « J’ai laissé Trophime malade à Milet ». Pourquoi ne l’avez-vous pas plutôt guéri, saint apôtre ? Pourquoi l’avez-vous laissé ? Les apôtres ne pouvaient pas tout. Ou bien encore ils ne voulaient pas prodiguer en toute rencontre la grâce dont ils étaient dépositaires, de peur qu’on ne vît en eux plus que des hommes. Nous pouvons faire la même remarque au sujet des justes de l’Ancien Testament. Moïse, par exemple, était bègue, pourquoi ne se débarrassa-t-il pas de ce défaut ? Il était exposé à la tristesse et à l’abattement. Il n’entra pas dans la terre de promission.

3. Dieu permettait beaucoup de choses~semblables, pour laisser paraître dans ses serviteurs la faiblesse de la nature humaine. Car si nonobstant ces défauts et ces preuves de leur fragilité, les Juifs stupides ne laissaient pas de dire : Où est ce Moïse qui nous a tirés de la terre d’Égypte ? que n’auraient-ils point dit et pensé, s’il les avait introduits dans la terre promise ? Si Dieu n’avait permis que ce même Moïse tremblât de paraître devant Pharaon, ne l’aurait-on pas pris pour un Dieu ? Ne voyons-nous pas que les habitants de Lystre, prenant Paul et Barnabé pour des divinités, voulaient leur sacrifier, de telle sorte que ces apôtres, déchirant leurs vêtements, se jetèrent au milieu de la foule en criant, en disant : « Hommes, que faites-vous là ? Nous sommes des hommes comme vous et sujets aux mêmes infirmités ». (Act. 14,14) Saint Pierre, voyant les juifs épouvantés du miracle qu’il avait fait en guérissant un homme boiteux dès sa naissance, leur disait aussi : « Israélites, pourquoi vous étonnez-vous, ou pourquoi nous regardez-vous fixement, comme si c’était par notre puissance et notre piété que nous eussions fait marcher cet homme ? » (Act. 3,12) Écoutez encore saint Paul dire : « Il m’a été donné un aiguillon de la chair, afin que je ne m’élève point ». (2Co. 12,7) Mais, dira-t-on, il parle ainsi par humilité. Non, il n’en est rien. Cet aiguillon ne lui a pas été donné seulement pour qu’il s’humiliât ; et il ne tient pas seulement ce langage par humilité, mais par d’autres raisons encore. Remarquez en effet que Dieu en lui répondant ne lui dit pas : Ma grâce vous suffit pour que vous ne vous éleviez pas, mais, que lui dit-il ? « Ma puissance se montre tout entière dans la faiblesse ». Cette, conduite avait deux avantages : les miracles éclataient aux yeux de tous, et c’est à Dieu qu’on les attribuait. À cela se rapporte ce que saint Paul dit dans un autre endroit : « Nous portons ce trésor dans des vases d’argile » (2Co. 4,7), c’est-à-dire, dans des corps passibles et fragiles. Pourquoi ? Afin que cette grande puissance qui éclate dans nos œuvres soit reconnue pour appartenir à Dieu et non pas à nous. Si leurs corps n’avaient pas été sujets aux infirmités, on leur eût attribué à eux-mêmes les miracles qu’ils opéraient. On voit encore ailleurs que saint Paul est affligé de la maladie d’un autre de ses disciples, et en parlant d’Epaphrodite, il dit qu’il a été malade jusqu’à la mort, mais que Dieu a eu pitié de lui. On voit encore que cet apôtre a ignoré beaucoup de choses concernant son utilité propre et celle de ses disciples.

« J’ai laissé Trophime à Milet ». Milet est une ville proche d’Éphèse. Saint Paul y avait laissé son disciple lorsqu’il se rendait par mer en Judée, ou dans un autre temps. Après avoir été à Rome, il partit pour l’Espagne. S’il revint de là dans les contrées de l’Orient, nous ne saurions le dire. Nous le voyons donc seul et abandonné de tous. « Démas », dit-il, « m’a abandonné, Crescent est allé en Galatie, Tite en Dalmatie, Eraste est demeuré à Corinthe. J’ai laissé Trophime malade à Milet ».

« Tâchez de venir avant l’hiver. Eubule, Pudens, Lin, Claudie, et tous les frères vous saluent ». On sait que ce Lin fut après saint