Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/417

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religieux, il le deviendra moins encore dans ces circonstances. Ainsi, lorsqu’on établit un tel homme prince de l’Église, on se rend responsable de toutes ses fautes et de toutes celles de la multitude qui lui est confiée. Si quelqu’un scandalise une seule âme, il lui vaudrait mieux qu’on lui pendît une meule d’âne au cou et qu’on le jetât au fond de la mer. Que ne souffrira donc pas celui qui scandalise tant d’âmes, des cités, des peuples entiers, des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, de citadins, de laboureurs, ceux qui sont dans sa ville, ceux qui lui sont soumis dans d’autres villes ? Si vous dites que sa peine sera triplée, vous ne dites rien, tant sera grand son supplice et son châtiment. L’évêque a donc le plus grand besoin de la grâce et de la paix qui viennent de Dieu ; s’il gouverne la ville sans ce secours, tout est, en ruine, tout est perdu, car il n’a pas de gouvernail. Quand il serait habile dans l’art de gouverner, s’il n’a pas ce gouvernail, je veux dire la grâce et la paix qui viennent de Dieu, navires et navigateurs seront submergés.
Aussi, je m’étonne lorsque j’en vois qui désirent un tel fardeau. Homme malheureux, homme infortuné, ne vois-tu donc pas ce que tu désires ? Si tu vivais pour toi seul d’une vie inconnue et sans gloire, quand tu commettrais mille péchés, au moins tu n’aurais à rendre compte que d’une seule âme. Voilà à quoi se réduirait ta responsabilité. Mais que tu viennes à obtenir une telle dignité, vois de combien d’âmes tu es responsable au jour du châtiment) Écoute saint Paul : « Obéissez », dit-il, « à vos conducteurs et soyez-leur soumis, car ils veillent sur vos âmes, comme devant en rendre compte ». (Héb. 13,17) Et cependant tu désires la dignité du commandement. Quel plaisir trouveras-tu donc dans cette dignité ? Je n’en vois pas, car personne dans cette dignité n’est véritablement maître. Comment cela ? C’est qu’il est remis à la liberté de ceux qu’on commande, d’obéir ou de désobéir, et s’il veut voir au fond des choses, celui qui a cette ambition, bien loin de marcher vers le commandement, sera l’esclave de mille maîtres, tous opposés dans leurs désirs comme dans leurs paroles. Ce qui est loué par l’un est blâmé par l’autre ; ce qui est critiqué par celui-ci, est admiré par celui-là. Qui faut-il écouter ? à qui obéir ? il est impossible de le voir. L’esclave acheté à prix d’argent s’irrite lorsque son maître lui donne un ordre qui le contrarie, mais toi, lorsque tant de maîtres te donneront les ordres les plus contraires, si tu le supportes avec peine, pour cela même tu seras puni et tu déchaîneras toutes les langues contre toi. Est-ce là, je t’en prie, est-ce là une dignité ? est-ce là un commandement ? est-ce là un pouvoir ?
4. L’évêque ordonne qu’on donne de l’argent ; si celui qui lui est soumis s’y refuse, non seulement il n’en apporte pas, mais pour qu’on ne puisse pas lui reprocher la tiédeur de son zèle, il accuse l’évêque. Il vole, dit-il, il pille, il absorbe la substance des pauvres, il dévore les ressources des indigents. Mets fin à ses injures et dis-lui : Jusqu’à quand médiras-tu ? Tu ne veux pas donner d’argent ? Personne ne t’y force, personne n’emploie la violence, pourquoi t’emporter en injures contre celui qui te conseille et qui t’exhorte ? Mais quelqu’un tombe dans la misère, et il ne lui tend pas la main, soit qu’il ne le puisse pas, soit qu’il ait autre chose à faire. On ne lui fait pas grâce, ce sont de nouvelles récriminations, pires encore que les premières. Est-ce là gouverner ? dit-on. Et il ne peut pas même se venger, car les fidèles sont ses entrailles. Or, de même que si les entrailles se gonflent et donnent mal à la tête et à tout le reste du corps, nous n’osons pas nous venger, car nous ne pouvons pas prendre le fer pour les déchirer : de même si quelqu’un de ceux qui nous sont soumis tient cette conduite, et par des accusations de ce genre nous fait souffrir et gémir, nous n’osons pas nous venger, car cela est loin des sentiments d’un père, il nous faut supporter notre douleur, jusqu’à ce qu’ils reviennent à de bonnes pensées.
L’esclave acheté à prix d’argent a une tâche qui lui est imposée ; lorsqu’il l’a finie, il est le reste du temps maître de lui-même. Mais l’évêque est tiraillé de toutes parts, on exige de lui beaucoup de choses qui dépassent ses forces ; s’il n’est pas éloquent, ce ne sont que des murmures ; s’il est éloquent, ce sont de nouvelles accusations, c’est un homme vain ; s’il ne ressuscite pas les morts, c’est un homme de rien, celui-ci est un juste, mais lui non. S’il prend une nourriture modérée, autres accusations, il devrait suffoquer, dit-on ; si quelqu’un l’a vu prendre un bain, nombreux reproches, il n’est pas digne de voir la lumière du soleil. Car s’il fait les mêmes choses que