Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/42

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ainsi donnait la preuve d’un franc parler, d’un vrai courage.
Vous faut-il d’autres exemples à la fois d’humilité et de liberté ? Entendez cette phrase de Paul : « C’est le moindre souci que celui d’être jugé par vous ou par tout homme mortel ; je ne voudrais pas me juger moi-même, car bien que ma conscience ne me reproche rien, je ne suis pas pour cela justifié ». (1Cor. 4,3) Voilà les inspirations qui conviennent aux chrétiens. Ajoutez-y celle-ci : « Comment ! un d’entre vous, ayant une affaire litigieuse contre un de ses frères, ose se faire juger auprès des infidèles et non par-devant les saints ! » (Id) – Préférez-vous connaître à quelle basse flatterie se dégradent les juifs insensés ? Écoutez ce qu’ils disent : « Nous n’avons point d’autre roi que César ». (Jn. 19,15) – Aimez-vous mieux connaître l’humilité ? Écoutez de nouveau les protestations de saint Paul. « Nous ne nous prêchons pas nous-mêmes, nous prêchons Jésus-Christ comme Seigneur, et nous comme vos serviteurs en Jésus-Christ ». (Id) – Voulez-vous voir, à l’égard du même homme, l’audace et la flatterie ? David subit l’audacieux langage de Nabal ; et bientôt la basse adulation des Ziphéens ; celui-là lui jetait des paroles de malédiction ; ceux-ci le trahissaient, au moins par leur volonté et leur complot. – Verrez-vous plus volontiers, non plus l’adulation, mais la sagesse en action ? Considérez David épargnant Saül qui était tombé dans ses mains. – Vous plaît-il de retrouver la vile flatterie ? Rappelez-vous les misérables qui assassinèrent Isboseth[1], crime affreux pour lequel David les fit mourir. Enfin, pour abréger, définissons l’audace, comme aussi la franchise et la force. La première a lieu quand on s’irrite, quand un reproche violent se formule sans une cause grave et juste ; quand on se venge, quand de toute autre injuste manière on s’emporte : la seconde se trouve à braver les périls et la mort, à mépriser les amitiés ou les ressentiments quand il s’agit de la volonté de Dieu. L’adulation et le servilisme se reconnaissent à servir certaines personnes bien au-delà de leurs besoins et des convenances, par convoitise de quelque avantage temporel ; l’humilité se manifeste par les mêmes services, mais qu’on rend uniquement pour des motifs agréés de Dieu ; l’homme humble descendant ainsi de sa dignité, pour accomplir une œuvre grande, admirable et parfaite.
Heureux, si nous savons, si nous pratiquons ces maximes ! Les savoir, en effet, ce n’est pas assez : « Ce ne sont pas ceux qui entendent la loi », dit saint Paul, « mais bien ceux qui la pratiquent, qui seront justifiés ». (Rom. 2,13) Bien plus la connaissance du précepte vous condamne, quand les œuvres manquent, et la pratique du devoir. Abordons la pratique aussi, afin de gagner la récompense, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, etc.

HOMÉLIE VI.


QU’ON RECONNAISSE EN VOUS LES SENTIMENTS DE JÉSUS-CHRIST MÊME, QUI ÉTANT L’IMAGE DE DIEU… ET SON ÉGAL,… S’EST ANÉANTI EN PRENANT LA FORME DE SERVITEUR, ETC. (CHAP. 2,5-9)

Analyse.


  • 1-4. Exorde : Jésus-Christ proposé par lui-même et par saint Paul comme modèle de charité. – Les ennemis de l’Incarnation nommés, leurs hérésies dévoilées, leurs impiétés d’avance réfutées par le texte de saint Paul.- Réfutation spéciale de Sabellius et d’Arius. – Le Fils n’est pas un petit Dieu, inférieur au Père. – Jésus-Christ a pu se croire Dieu, « sans rapine », puisqu’il l’est : l’orateur profite de ce texte, pour établir à la fois la nature divine de Jésus-Christ, et l’essence de l’humilité. – Il explique les mots : « In forma Dei ».
  • 4-6. Judas perverti par l’avarice : craignons de succomber sous cette passion.— Mammon et Jésus-Christ se disputent le monde. – L’enfer au bout de l’avarice. Pourquoi l’orateur parle de l’enfer.


1. Quand Notre-Seigneur Jésus-Christ veut élever ses disciples aux plus grandes vertus, il propose en exemple, les prophètes, son Père et lui-même, disant tantôt : « Ainsi ont-ils traité les prophètes qui ont vécu avant moi ». Tantôt : « Apprenez de moi que je suis doux. » (Mt. 5,12 et 11, 29) ;

  1. Le manuscrit porte Miphiboseph, soit inadvertance de l’orateur, soit faute des copistes. (Note des Bénédictins)