Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/448

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les péchés qu’ils désignent, car si vous ne fuyez pas ces péchés, comment pourrai-je vous croire lorsque vous direz : Les mots nous font peur et tu nous accables ? – C’est vous qui vous accablez vous-mêmes par vos fautes ; moi je me contente de dire la qualité des péchés que vous commettez, et vous vous indignez n’est-ce pas déraisonnable ? Plaise à Dieu que tout ce que je dis soit faux ! J’aime mieux emporter la réputation d’avoir été injurieux en ce jour, comme vous ayant fait des reproches inutiles et nullement fondés, que de vous voir de ces péchés, accusés au tribunal redoutable. – Maintenant non seulement vous préférez les hommes à Dieu, mais même vous forcez les autres à faire comme vous : beaucoup y forcent nombre d’esclaves et de serviteurs. On contraint les uns à se marier malgré eux, les autres à rendre des services criminels pour un amour impur, pour des vols, des fraudes et des violences. Ainsi c’est double crime, et ceux mêmes qui agissent malgré eux, ne peuvent pas obtenir le pardon en donnant cette excuse. Si vous faites une mauvaise action malgré vous, pour obéir au prince, l’ordre que vous avez reçu ne vous sera pas une défense suffisante ; mais votre péché devient plus grand, lorsque vous forcez aussi les autres à mal faire. Quelle grâce pourra donc être faite à un tel coupable ? Si j’ai dit ces choses, ce n’est pas que je veuille vous condamner ; j’ai seulement voulu montrer combien nous sommes les débiteurs de Dieu. Car si, lors même que nous honorons Dieu autant que l’homme, nous faisons encore injure à Dieu, combien plus grande ne sera pas l’injure lorsque nous lui préférons les hommes ? Si les offenses que nous faisons aux hommes deviennent bien autrement graves lorsque nous les faisons à Dieu, combien ne sont-elles pas plus graves encore, lorsque par elles-mêmes elles sont déjà grandes et considérables ? Que chacun s’examine attentivement et il reconnaîtra qu’il fait tout pour les hommes. Nous serions bien heureux si nous faisions autant pour Dieu que pour les hommes, pour l’estime que nous attendons d’eux, pour la crainte ou le respect qu’ils nous inspirent. Puis donc que nous avons tant et de si grandes dettes, nous devons mettre la plus grande ardeur à pardonner à ceux qui nous offensent et nous trompent, et à oublier les injures. Car pour se délivrer de ses fautes, il ne faut pas de rudes travaux, de grandes dépenses, ni rien de tel, mais seulement la volonté de l’âme ; il n’est pas besoin d’entreprendre un voyage, de partir pour une autre contrée, d’affronter des dangers, de supporter des fatigues, il suffit de vouloir.
3. Comment, dites-moi, obtiendrons-nous notre pardon pour les fautes qu’il nous paraît difficile d’éviter, si nous ne faisons pas une petite chose qui a tant d’utilité et de profit, et qui n’exige aucun labeur ? Vous ne pouvez pas mépriser les richesses ? Vous ne pouvez pas donner vos biens aux pauvres ? Mais du moins ne pouvez-vous pas vouloir faire une bonne action ? Ne pouvez-vous pas pardonner à ceux qui vous ont offensé ? Quand vous n’auriez pas tant de dettes à payer et que Dieu vous ferait seulement un précepte du pardon, ne pardonneriez-vous pas ? et maintenant que vous avez tant de comptes à rendre, vous ne pardonnerez pas, et cela, lorsque vous savez qu’on vous demande raison des fautes que vous avez commises vous-même ! Je suppose que nous allions chez notre débiteur ; celui-ci, le sachant, nous entoure de soins, nous reçoit, nous rend des honneurs et nous montre par sa libéralité les dispositions les plus bienveillantes : et cela, ce n’est pas lorsqu’il est débarrassé de sa dette, s’il agit ainsi, c’est pour nous rendre modérés dans nos réclamations : vous cependant, lorsque vous devez tant à Dieu et qu’on vous ordonne de remettre aux autres leurs péchés, pour que les vôtres vous soient remis, vous ne les remettez pas ! Pourquoi donc, je vous prie ?
Hélas ! quelle bonté Dieu a pour nous ! mais nous, quelle n’est pas notre malice ! notre sommeil ! notre paresse ! Combien la vertu est facile, et combien elle nous est avantageuse ! Combien la malice coûte de fatigues ! nous cependant, nous fuyons une chose si légère pour en suivre une qui est plus lourde que le plomb. Il n’est pas besoin pour être vertueux d’avoir de la santé, des richesses, de l’argent, de la puissance, des amis, ni rien de semblable, mais il suffit de vouloir, et c’est tout. Quelqu’un vous a-t-il couvert d’injures et d’opprobres ? Pensez que vous-même vous avez beaucoup de pareilles offenses à vous reprocher envers les autres, même envers Dieu, et ainsi remettez-lui sa faute et pardonnez-lui ; pensez que vous dites : « Remettez-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs ». (Mt. 6,13) Pensez que si vous ne les remettez pas, vous ne