Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/471

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le monde ne sera pas toujours le même, et qu’il subira une transformation, un changement complet, tandis que Dieu lui-même jouit d’une existence éternelle et d’une vie sans fin ? « Vos années », dit-il, « ne s’évanouiront pas. Et quel est l’ange à qui Dieu ait jamais dit : Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis à vous servir de marchepied ? »
Voilà en outre un encouragement pour ses auditeurs. Leurs ennemis auront le dessous ; car leurs ennemis sont les mêmes que ceux du Christ. Un nouveau signe de la royauté, du partage de la dignité divine, un nouveau signe d’honneur et non de faiblesse, c’est cette colère du Père excitée par les offenses qui s’adressent au Fils. Quelle preuve d’amour et de filiation légitime : c’est bien l’attachement d’un père pour son fils véritable. Celui qui s’irrite ainsi en prenant ses intérêts, comment lui serait-il étranger ? « Jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis ». Cela revient à ce qui est dit dans le psaume deuxième : « Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, et le Seigneur les raillera amèrement. C’est alors qu’il leur parlera dans sa colère et que, dans son courroux, il les confondra ». Et ailleurs : « Ceux qui n’ont pas accepté mon règne, conduisez-les devant moi et mettez-les à « mort ». (Lc. 19,27) Ce sont bien là des paroles : écoutez en effet ce qu’il dit ailleurs : « Que de fois n’ai-je pas voulu rassembler autour de moi tes enfants ! et vous ne l’avez pas voulu. Votre maison sera donc laissée à l’abandon ». (Lc. 13,34) Et encore : « Le royaume vous sera enlevé, pour être donné à une nation qui le fera fructifier ». Et dans un autre endroit : « Celui qui tombera sur cette pierre, s’y brisera, et celui sur à qui elle tombera sera broyé ». (Mt. 21,43, 44)
D’ailleurs, celui qui là-haut doit les juger, a prononcé ici-bas contre eux un arrêt beaucoup plus sévère, pour les punir de leur cruauté envers lui. C’est donc uniquement pour faire honneur au Fils qu’ont été dites ces paroles : « Jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis à vous servir de marchepied ».
« Ne sont-ils pas tous ces esprits qui le servent, envoyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui doivent être les héritiers du salut ? » Quoi d’étonnant, dit-il, s’ils sont les ministres du Fils, puisqu’ils doivent s’employer aussi à notre salut, en qualité de ministres ? Voyez comme il relève leurs esprits, et comme il nous montre l’excès d’honneur que Dieu nous fait, en ordonnant à ses anges de s’employer pour nous. C’est comme s’il disait : En quoi consiste le ministère des anges ? À servir Dieu pour notre salut. C’est donc une œuvre angélique, de tout faire pour le salut de ses frères ; c’est plus encore, l’œuvre du Christ. Mais le Christ : travaille en maître à notre salut, et les anges y travaillent, comme serviteurs. Et nous, tout esclaves que nous sommes, nous avons les anges pour compagnons d’esclavages. Pourquoi donc, nous dit-il, lever sur les anges des yeux étonnés ? Ce sont les esclaves du Fils de Dieu, et bien souvent c’est pour nous qu’ils sont envoyés, et c’est pour notre salut qu’ils exercent leur ministère ; ce sont donc nos compagnons d’esclavage. Songez à cette faible différence qu’il met entre les créatures. Et pourtant elle est grande la distance qui sépare l’ange de l’homme. Mais il les rabaisse jusqu’à nous. C’est à peu près comme s’il disait : C’est pour nous qu’ils travaillent, c’est pour nous qu’ils courent de tous côtés ; on pourrait presque dire qu’ils sont nos serviteurs. Être envoyés partout, dans notre intérêt, voilà leur ministère !
3. A l’appui de cette vérité, les exemples abondent dans l’Ancien Testament ; ils abondent dans le Nouveau Testament. Quand les anges annoncent aux bergers la bonne nouvelle, quand ils l’annoncent à Marie, à Joseph, quand ils viennent s’asseoir auprès du monument, quand ils sont envoyés pour dire aux disciples : « Galiléens, pourquoi restez-vous là les yeux levés vers le ciel ? » (Act. 1,11) Quand ils délivrent Pierre de sa prison, quand ils parlent à Philippe est-ce que ce n’est pas pour nous qu’ils travaillent ? Quel honneur n’est-ce pas pour nous de voir le Seigneur se servir de ses anges pour les envoyer aux hommes, comme à des amis, lorsqu’un ange apparaît à Corneille, lorsqu’un ange fait sortir de prison tous les apôtres, en leur disant : a Allez et faites entendre au peuple, dans le temple, la parole de vie ». Pourquoi en dire davantage ? Paul lui-même ne voit-il pas apparaître un ange ? Voyez-vous comme les anges nous servent à cause de Dieu, et cela dans les choses de la plus haute importance ? Aussi saint Paul dit-il : « Tout vous appartient : à vous la vie, à vous la mort, à vous le « monde, à vous le présent, à vous l’avenir ». Le Fils aussi a été envoyé, il est vrai, mais non comme serviteur, non comme ministre, mais comme Fils unique du Père ; et son Père et lui n’ont qu’une même volonté. Ou plutôt il n’a pas été envoyé ; car il n’est point passé d’un lieu dans un autre ; mais il s’est incarné. Les anges au contraire changent de lieux, ils abandonnent le séjour où ils sont, pour aller dans celui où ils n’étaient pas. Et c’est pourquoi il leur dit, afin de les encourager : Que craignez-vous ? Les anges vous servent.
Après avoir parlé du Fils, de son incarnation, de sa puissance comme créateur, de sa royauté, de son rang égal à celui du Père, de son autorité qui s’étend non seulement sur les hommes, mais sur les puissances d’en haut, il exhorte ceux à qui il écrit, en usant de précautions oratoires, en nous présentant sous forme de conclusion le devoir de recueillir avec attention ce que nous avons entendu, et il dit : « Nous devons donc à proportion nous attacher avec plus de soin aux choses que nous avons entendues ». Il veut dire qu’il faut s’y attacher avec plus d’attention encore qu’à la loi ; mais il a passé le mot de « loi » sous silence. Toujours est-il que son langage est clair, quoiqu’il exprime une conclusion au lieu d’une exhortation et d’un conseil. La forme qu’il emploie était du reste la meilleure. « Car », dit-il, « si la parole sortie de la bouche des anges est demeurée stable, si toute transgression, toute désobéissance à cette parole a reçu son juste salaire, « comment nous autres échapperons-nous au châtiment, si nous négligeons un tel moyen de