Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/476

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce devoir. Maintenant, en effet, quand votre inattention serait pour moi sans péril, puisque je fais mon devoir, je me livre à un travail ingrat. A quoi bon,.en effet, quand même on ne me reprocherait rien, poursuivre une œuvre qui ne profite à personne ? Mais si nous devons trouver en vous des auditeurs attentifs, nous serons encore plus heureux d’obtenir votre attention que d’éviter le châtiment. Comment donc saurai-je que vous m’écoutez ? j’observerai ceux d’entre vous qui ne sont pas, très-attentifs, je les prendrai à part, je les interrogerai, et si je vois qu’ils ont retenu quelques-unes de mes paroles (je ne dis pas toutes, ce qui n’est pas très-facile, mais seulement quelques-unes), alors évidemment je serai sûr du reste de mon auditoire. J’aurais dû vous prendre à l’improviste, sans vous prévenir. Mais nous serons heureux, si l’épreuve, telle qu’elle est, nous réussit. Car, même de cette manière, je puis encore vous surprendre. Je vous interrogerai, je vous en ai avertis, mais quand vous interrogerai-je ? Là-dessus je ne m’explique pas. Peut-être sera-ce aujourd’hui, peut-être demain ; peut-être sera-ce dans vingt jours, dans quarante jours, plus ou moins.
C’est ainsi que Dieu ne nous a pas révélé d’avance le jour de notre mort. Sera-ce aujourd’hui ?sera-ce demain ? sera-ce dans une année entière ? sera-ce dans plusieurs années ? Là-dessus il nous a laissés dans l’incertitude, afin que, n’étant pas fixés sur ce point, nous restions toujours vertueux. Qu’on ne vienne pas me dire : Il y a quatre ou cinq semaines et plus que j’ai entendu ces paroles, et je ne puis les retenir. Celui qui m’écoute, je veux qu’il retienne fidèlement, mes paroles, qu’elles restent gravées dans sa mémoire et qu’elles n’en sortent pas. Je ne veux pas qu’il les accueille avec dédain. Je veux que vous reteniez mes discours, non pour que vous me les répétiez, mais pour qu’ils vous profitent. Voilà le but que je suis jaloux d’atteindre. Après ce préambule nécessaire, je dois poursuivre la tâche que j’ai commencée. De quoi s’agit-il aujourd’hui ? « Dieu », dit-il, « n’a point soumis aux anges le monde futur dont nous parlons ». Est-ce, qu’il parle d’un autre monde que le nôtre ? Cela ne peut être. C’est bien de celui-ci qu’il parle. Aussi ajoute-t-il : dont nous parlons, pour que l’esprit de ses auditeurs ne s’égare pas et n’aille pas en chercher un autre. Mais pourquoi dit-il : Ce monde « futur ? », par là même raison qu’il dit ailleurs : « Qui est la figure de celui qui doit venir ». (Rom. 5, 14) C’est d’Adam et du Christ qu’il parle dans son épître aux Romains, où il appelle, en ayant égard aux temps, le Christ fait homme, un Adam « futur », car il n’était pas encore venu. De même, dans ce passage, après avoir dit : « Lorsqu’il eut introduit son premier-né dans le monde » pour qu’on n’aille pas croire qu’il s’agit d’un monde autre que celui où nous sommes, il montre que c’est bien celui-là qu’il désigne en divers endroits, et notamment ici par cette expression : le monde « futur » ; car ce monde devait avoir un commencement ; tandis que le Fils de Dieu a toujours existé. Donc ce monde qui allait commencer, il ne l’a pas soumis aux anges, mais au Christ. Que cela ait été dit au Fils, c’est chose certaine, et l’on ne saurait avancer que cela ait été dit aux anges. Puis il apporte un nouveau témoignage de cette vérité, en disant : « Or quelqu’un a dit dans un endroit de l’Écriture ». Et pourquoi donc ne pas nommer ici le témoin ? Pourquoi cacher le nom du Prophète ? Nous répondrons que c’est sa méthode et qu’il l’emploie ailleurs, quand il à recours à tel ou tel témoignage. C’est ainsi qu’il dit : « Quand il eut – envoyé son premier-né sur la terre, il parle ainsi : Que tous les anges de Dieu l’adorent ». Et ailleurs : « Je serai son père. Et il dit aux anges : Celui qui se sert des esprits pour en faire ses anges. Et il a dit au Fils : Seigneur, vous avez créé la terre dès le commencement du monde ». C’est toujours la même méthode qu’il suit, en disant : « Or quelqu’un a dit dans un passage de l’Écriture ». Quand il ne nomme pas, quand il passe sous silence le nom de son témoin, quand il lance ainsi dans la foule une citation, comme si elle était connue de tous, il s’adresse aux Hébreux comme à des hommes versés dans les saintes. Écritures : « Qu’est-ce que l’homme, pour que vous vous souveniez de lui ? – Qu’est-ce que le fils de l’homme, pour que vous laissiez tomber sur lui vos regards ? Vous l’avez rabaissé un peu au-dessous des anges ; puis vous l’avez couronné d’honneur et dé gloire : Vous lui avez donné l’empire sur les œuvres de vos mains, et vous avez mis l’univers sous ses pieds. ».
2. Ces paroles peuvent s’appliquer au commun des hommes ; mais elles s’appliquent plus particulièrement, je crois, au Christ incarné. Car ces mots : « Vous avez mis l’univers sous ses pieds » ; lui conviennent mieux qu’à nous. Le Fils de Dieu nous a visités, nous qui ne sommes rien, il s’est revêtu dé notre humanité, et s’est élevé au-dessus de tous. « Car, en disant qu’il lui a assujetti toutes choses, Dieu n’a rien laissé qui ne lui soit assujetti ; et cependant nous ne voyons pas encore que tout lui soit assujetti ». Voici le sens de ces paroles. Il avait dit : « Jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis à vous servir de marchepied », et probablement les Hébreux étaient encore dans, l’affliction. Alors il leur adresse quelques paroles pour amener un témoignage qui vient confirmer le premier. Pour qu’ils ne pussent pas s’écrier : Comment se fait-il qu’il ait réduit ses ennemis à lui servir de marchepied, puisque nous sommes eh proie à tant de maux ? Il avait déjà, dans le texte, précédent, réfuté implicitement cette objection. Ce mot « jusqu’à ce que », en effet, annonçait une délivrance amenée par le temps, et non immédiate. Il revient maintenant encore sur ce point. Parce que tout ne lui est pas encore assujetti, ne croyez pas, dit-il, que les choses resteront dans : cet état ; car tout doit lui être assujetti : tel est le sens de la prophétie. « En disant qu’il lui a assujetti toutes choses, il n’a rien laissé qui ne lui soit assujetti ». Comment donc tout ne lui est-il pas assujetti ? C’est que tout doit l’être un jour. Si donc tout doit être assujetti au Christ et ne l’est pas encore, n’allez pas vous affliger et vous troubler pour cela. Si tout était fini, si tout était soumis et que vous fussiez toujours en proie aux