Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/497

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tant souffert, si toutefois ce n’est qu’en vain ? » (Gal. 3,4) « J’espère pour vous, dans le Seigneur ». (Gal. 3,10) Et ici il dit de même : « Nous avons une meilleure opinion de vous et de votre salut ». (Héb. 6,9) II fait donc deux choses à la fois : il ne les exalte pas et il ne les laisse pas tomber dans l’abattement. Car si l’exemple d’autrui est propre à exciter l’auditeur et à faire naître dans son âme le sentiment de l’émulation ; quand on peut se prendre soi-même pour exemple et qu’on vous engage à être pour vous-même un objet d’émulation, la leçon est encore plus efficace. Voilà ce que saint Paul fait ici : il ne les laisse pas tomber dans l’abattement, comme des réprouvés qui auraient toujours fait le mal ; il leur montre que parfois ils ont fait le bien. « Tandis que depuis le temps qu’on vous instruit, vous devriez déjà être des maîtres (12) ». Il montre ici qu’il y a longtemps qu’ils ont commencé à croire ; il montre aussi qu’ils devraient instruire les autres. Voyez comme il travaille à amener ce qu’il peut avoir à dire du pontife, et comme il diffère toujours ses explications. Écoutez son début : « Ayant un grand pontife qui est monté au plus haut des cieux ». Et après avoir passé sous silence l’explication du mot « grand » ; il reprend ainsi : « Car tout pontife, étant pris d’entre les hommes, est établi pour les hommes, en ce qui regarde le culte de Dieu ». Puis il dit : « Ainsi Jésus-Christ ne s’est pas élevé de lui-même à la dignité de souverain pontife ». Et après avoir dit : « Vous êtes le prêtre éternel, selon l’ordre de Melchisédech », il remet encore son explication, pour dire : « Qui durant les jours de sa chair, a offert ses prières et ses supplications ».
3. Après s’être détourné tant de fois de son but, par forme de réponse et d’excuse, il leur dit : C’est votre faute. Quelle différence en effet ? Ils devraient être des maîtres ; et ils ne sont que des disciples, les derniers de tous. « Depuis le temps qu’on vous instruit, vous devriez être des maîtres et vous auriez encore besoin qu’on vous apprit les premiers éléments, par lesquels on commence à expliquer la parole de Dieu ». Ces premiers éléments sont ici la science humaine. Dans les lettres profanes, il faut d’abord apprendre les éléments ; ici aussi il faut d’abord apprendre ce qui se rapporte à l’homme. Vous voyez pourquoi il abaisse ici son langage c’est ce qu’il faisait en parlant aux Athéniens « Dieu laissant passer ces temps d’ignorance, fait maintenant annoncer à tous les hommes et en tous lieux qu’ils fassent pénitence, parce qu’il a arrêté un jour où il doit juger le monde selon sa justice, par celui qu’il a destiné à en être le juge, de quoi il a donné à tous les hommes une preuve certaine, en le ressuscitant d’entre les morts ». (Act. 17,30-31) Lorsque Paul exprime quelque idée haute et sublime, il l’exprime brièvement, tandis que dans cette épître, il s’étend en maint endroit sur l’anéantissement de Jésus-Christ. C’est donc à la brièveté de l’expression que l’on reconnaît chez lui l’élévation de l’idée ; et d’autre part l’humilité du langage indique sûrement qu’il ne parle pas du Christ entant que Dieu. Ici donc, pour plus de sûreté, il emploie un humble langage à exprimer ce qui se rapporte à l’homme. Il avait pour raison l’intelligence de ses auditeurs qui n’étaient pas en état de comprendre des idées plus relevées. C’est ce qu’il voulait dire dans son épître aux Corinthiens, par ces mots : « Puisqu’il y a parmi vous des jalousies et des disputes, n’est-il pas visible que vous êtes charnels ? » (1Cor. 3,3) Voyez quelle est sa prudence, et comme il s’entend à traiter tous ces malades, dont il est le médecin. La faiblesse des Corinthiens venait en grande partie de leur ignorance ou plutôt de leurs péchés ; celle des Hébreux ne provient pas de leurs péchés, mais de leurs afflictions continuelles. C’est pourquoi il emploie des expressions bien propres à faire ressortir cette différence. « N’est-il pas visible que vous êtes charnels ? » dit-il aux Corinthiens. Et il dit aux Hébreux : L’excès de votre douleur a émoussé vos facultés. Les Corinthiens, hommes charnels, n’ont jamais pu supporter l’enseignement spirituel ; mais les Hébreux le pouvaient autrefois. Car ces paroles : « Votre application à m’entendre s’est ralentie », indiquent qu’autrefois leurs âmes étaient saines, fortes et pleines d’ardeur. Et plus tard, il atteste ainsi leur faiblesse : « Vous êtes tombés en enfance ; ce n’est pas une nourriture solide ; c’est du lait qu’il vous faut ».
Dans plusieurs passages et même toujours il appelle « lait » le style qui s’abaisse. « Tandis que depuis le temps », dit-il, « vous devriez être des maîtres ». C’est comme s’il disait : Ce qui a produit votre relâchement et votre abattement, c’est le temps qui aurait dû vous rendre forts. Le lait, selon lui, c’est ce style terre à terre qui convient aux simples ; cette nourriture ne convient pas à des auditeurs plus avancés, et ce serait pour eux un dangereux régime. Aujourd’hui il ne faudrait plus citer l’ancienne loi et y puiser des comparaisons ; il lié faudrait plus nous représenter le pontife sacrifiant et priant avec des cris et des supplications. Voyez comme tout cela est devenu pour nous un objet de dédain ; mais alors c’était pour les Hébreux une nourriture qu’ils ne dédaignaient pas. Oui : la parole de Dieu est bien une nourriture qui soutient l’âme. Écoutez plutôt le Prophète et l’apôtre : « Je ferai en sorte qu’ils soient non pas affamés de pain, non pas altérés d’eau, mais affamés de la parole de Dieu : (Amo. 8,11) Je vous ai donné à boire du lait, au lieu de vous donner une nourriture solide », (1Cor. 3,2) Il n’a pas dit : Je vous ai nourris, montrant par là que ce n’est pas une nourriture solide, qu’il leur a donnée, mais qu’il les a nourris comme des enfants qui ne peuvent encore manger du pain ; car le breuvage des enfants est leur unique nourriture. Il n’a pas : parlé de leurs besoins ; mais il a dit : « Vous êtes faits pour vous nourrir de lait, et non d’aliments solides » ; c’est-à-dire : C’est vous qui l’avez voulu ; c’est vous qui vous êtes réduits vous-mêmes à cette extrémité, à cette nécessité. – « Car quiconque n’est nourri que de lait, est incapable d’entendre le langage de la justice ; car il n’est encore qu’un enfant (13) ». Ce langage de la justice, quel est-il ? Je crois qu’il entend par là un plan de vie conforme à la