Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/528

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sanctifications, et comment l’une est sublime, l’autre grossière ; et il est bien juste, selon lui, qu’il en soit ainsi, puisque, d’un côté est le sang du taureau, et de l’autre le sang de Jésus-Christ. Et il ne se contente pas d’une différence de nom ; il établit aussi la manière d’offrir : « Lui », dit-il, « s’est offert à Dieu, par le Saint-Esprit, comme une victime sans tache ». Victime sans tache signifie pure de tout péché. Et l’expression « par le Saint-Esprit », veut dire : Non par le feu, ni par tout autre intermédiaire. Ce sang, dit-il, « purifiera notre conscience des œuvres mortes ». – « Œuvres mortes », est une locution très-juste ; car, chez les juifs, si quelqu’un touchait un mort, il devenait impur ; et chez nous toucher une œuvre morte, c’est souiller sa conscience. « Pour nous faire rendre un vrai culte au Dieu vivant et véritable », ajoute-t-il. Il montre ici qu’il est impossible que celui qui a des œuvres mortes, serve un Dieu vivant et véritable. Réflexion très-vraie, et qui nous montre le caractère des offrandes que nous devons faire à Dieu : oui, celles que nous présentons, sont vivantes et véritables ; celles qui viennent des juifs, sont mortes et fausses : tout cela est conséquent.
3. Que nul donc n’entre au saint lieu avec des œuvres mortes. Si l’entrée en était interdite à celui qui touchait un cadavre, bien plus l’est-elle à celui qui a des œuvres mortes ; car c’est la souillure la plus honteuse. Or, j’appelle œuvres mortes, toutes celles qui n’ont point la vie, qui déjà exhalent une odeur infecte. De même en effet qu’un cadavre, loin de flatter nos sens, incommode quiconque s’en approche ; ainsi le péché frappe et atteint notre intelligence même, enlève à notre âme tout son repos, y jette le trouble et le bouleversement. On dit que la peste a la malheureuse vertu de corrompre les corps : tel est aussi le péché. Peste affreuse et trop vraie, il ne corrompt pas l’air d’abord, et les corps ensuite, mais il attaque aussitôt l’âme elle-même. Ne voyez-vous pas comme les victimes de la peste souffrent, s’agitent, se roulent, sont brûlées vives, exhalent une odeur repoussante, offrent un aspect révoltant, sont immondes enfin dans tout leur être ? Telles sont, sans le savoir, les victimes du péché.
Car, dites-moi, n’est-il pas plus misérable qu’un fiévreux, celui qui est épris d’amour pour l’argent ou pour la chair ? n’est-il pas plus immonde que les pestiférés, celui qui commet ou qui subit toutes les bontés ? Se peut-il un être plus hideux que l’homme captif de l’avarice ? Les courtisanes, les comédiennes ne tiennent pas une conduite plus abjecte que lui. Je crois même qu’il va plus loin qu’elles dans la honte. Il subit des traitements d’esclave, tantôt s’abaissant à des flatteries sans nom, et tantôt audacieux et fier à l’excès ; mais toujours inégal. Souvent des scélérats, des escrocs, corrompus et abjects, incomparablement plus pauvres, d’une moindre condition que lui, le voient cependant assis à leurs côtés, comme un vil courtisan, tandis que les gens d’honneur et de vertu n’auront que ses insultés, ses outrages ; ses insolences. Vous le voyez, du reste, dans les deux cas, impudent et insolent, tour à tour bas à l’excès et arrogant outre mesure. La femme perdue, elle, se tient enfermée ; son crime est de trafiquer de son corps à prix d’argent. Mais elle a une certaine excuse dans la pauvreté et la faim ; bien que cette excuse soit insuffisante, puisqu’elle pourrait se nourrir en travaillant. L’avare, au contraire, ne reste point chez lui ; il se montre au milieu de la cité, prostituant non pas son corps, mais son âme au démon qui en abuse comme d’une prostituée, et ne la laisse qu’après en avoir joui ; et cela non en présence de deux ou de trois témoins, mais de tout une ville.
La prostituée s’abandonne à qui la paye ; esclave, homme libre, gladiateur, quiconque vient avec de l’argent est bien reçu ; mais sans cet or maudit, l’homme le plus riche et le plus noble n’est point admis. Ainsi fait l’avare : les meilleures pensées, quand l’or n’est pas au bout, sont rejetées ; mais il embrasse pour de l’argent les plus criminelles et les plus impies, il leur sacrifie la beauté de son âme. La fille de joie est par nature laide, noire, grossière, épaisse, sans grâce ni beauté, hideuse : ainsi devient l’âme cupide, dont la laideur ne pourrait se cacher, même sous une couche et un enduit de fard. Une fois parvenue à cette laideur extrême, quelque moyen qu’il imagine, il ne peut la couvrir.
Que l’impudence fait la prostituée, le Prophète même le déclare : « Vous êtes devenue impudente à la face de tous ; vous avez un front de prostituée ». (Jer. 3,3) Pareille apostrophe pourrait s’adresser aux avares : vous êtes devenu impudent à la face de tous ; non de tels ou de tels, mais de tous.. Comment ? C’est que père, fils, épouse, ami, frère, bienfaiteur, personne n’est respecté par un être ainsi déchu. Et que parlé-je d’ami, de frère ou de père ? Il ne respecte plus Dieu lui-même ; tout ce qu’on en dit lui semble des fables ; affolé par son ivresse, il rit de tout, et ses oreilles se refusent à admettre une parole utile, Au contraire, ô absurdité ! Quel est le langage de l’avare : Malheur à vous, argent, et à ceux qui ne vous possèdent pas ! Oh ! plutôt malheur à ceux qui parlent ainsi, quand même ils parleraient en riant ! Car, dites-moi ; est-ce que Dieu n’a pas fait la terrible menace que vous savez : « Vous ne pouvez servir deux maîtres à la fois ? » (Mat. 6,24) Vous croyez réduire cette menace à néant, en prononçant ces blasphèmes, mais malheur à vous ! Paul n’a-t-il pas déclaré que l’avarice est une idolâtrie et l’avare un idolâtre ?
4. Mais vous, par ce rire hardi, vous imitez les femmes insensées et mondaines, et comme celles mêmes qui paraissent sur les planches des théâtres, vous essayez de faire rire les autres. Voilà le renversement, voilà la destruction de tout bien. Nos affaires sérieuses deviennent des sujets de rire, de plaisanteries et de jeux de mots. Rien de ferme, rien de grave dans notre conduite. Je ne parle pas ici seulement aux séculiers ; je sais ceux que j’ai encore en vue ; car l’Église même s’est remplie de rires insensés. Que quelqu’un prononce un mot plaisant, le rire aussitôt parait sur les lèvres des assistants ;