Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/564

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quoi donc ? Dieu ignorait-il le courage et la droiture de ce grand homme ? Il les connaissait assurément. Dès lors, pourquoi les mettre a l’épreuve ? Ce n’était pas pour apprendre lui-même la vertu du patriarche, mais pour en révéler au monde l’étonnante grandeur. L’apôtre montre encore aux Hébreux une des causes de nos épreuves, afin qu’ils n’aillent pas regarder la tentation comme une marque d’abandon de Dieu. De nos jour, la tentation ne peut manquer à personne. Un nombre infini de persécuteurs nous tendent des pièges de toutes parts ; mais alors ces persécutions n’existaient pas : si donc l’épreuve n’était utile, pourquoi en imaginer une pour ce patriarche ? Car cette tentation d’Abraham lui vint directement par ordre de Dieu. Jusque-là sa Providence se contentait de les permettre ; à cette heure, elle les commandait elle-même. Si donc la tentation est tellement l’école des parfaits, que Dieu, sans autre motif, veut ainsi exercer ses champions favoris, à bien plus forte raison devons-nous maintenant supporter tout avec courage. Saint Paul s’exprime ici avec quelque emphase, lorsqu’il dit que ce fut « par la foi qu’il offrit Isaac, lorsque Dieu voulut le tenter » ; il n’avait pas d’autre cause pour se déterminer à un pareil sacrifice.
Et poursuivant son idée : on ne pouvait prétendre, dit-il, que ce patriarche eût un autre fils, dans lequel il attendît l’accomplissement des promesses, et que cette pensée lui donnât plus de confiance à offrir Isaac ; « car c’était son fils unique qu’il sacrifiait, c’était celui qui avait obtenu les promesses de Dieu ». Comment, son fils unique ? Et Ismaël, de qui donc était-il fils ? – C’était, vous dis-je, son fils unique pour ce qui regardait les promesses. Aussi après avoir rappelé son nom d’Isaac, l’Écriture ajoute « son unique enfant », montrant que c’était de lui qu’il avait été dit : « La race qui portera votre nom, sera celle qui naîtra d’Isaac ».
Voyez-vous combien saint Paul admire la foi du saint patriarche ? Dieu lui a dit, remarque-t-il, qu’Isaac seul continuera sa race ; et ce fils, il l’offre en sacrifice. Mais peut-être va-t-on s’écrier qu’il fait là un acte de désespoir, et qu’en exécutant cet ordre, il abjure sa foi ? Non, car l’apôtre nous enseigne que la foi lui inspire ce courage ; il nous répète qu’il ne cesse d’avoir foi à cette seconde prophétie de Dieu, bien qu’elle parrait contredire une prophétie précédente. Cette contradiction, en effet, n’existait pas. Abraham qui ne mesurait pas la puissance de Dieu sur les raisonnements humains, s’en rapportait eu tout à la foi seule. Aussi saint Paul n’a pas craint de dire que le patriarche supposait à Dieu assez de puissance pour ressusciter un mort.
« Et ainsi », conclut-il, « Isaac lui fut rendu comme en figure ». Et comment ? c’est qu’un bélier fut immolé, et Isaac sauvé. Il le retrouva donc, grâce à ce bélier qu’il sacrifia en sa place. Tout cela était une figure prophétique du Fils de Dieu qui a été immolé pour nous.
Or, considérez avec moi la bonté infinie de Dieu. ! s’agissait de donner aux hommes une grâce admirable ; Dieu n’en veut pas faire le don à titre gratuit, il préfère paraître acquitter une dette. Il détermine donc l’homme à sacrifier son fils, pour le bon plaisir de Dieu, afin de n’avoir pas l’air, ce grand Dieu, de faire beaucoup, lorsqu’il livrera, lui aussi, son Fils adorable ; de sorte que l’homme lui ayant donné l’exemple le premier, Dieu ne semble plus faire une grâce, mais payer une dette. Ainsi agissons-nous, nous aussi, à l’égard de nos amis : nous voulons recevoir d’eux n’importe quel présent, pour avoir le droit de leur tout donner ; afin d’être ainsi plus fiers d’avoir été obligés, que d’avoir été nous-mêmes généreux ; aussi ne disons-nous pas alors : Je lui ai donné ceci ; mais : J’ai reçu de lui tel présent.
Le patriarche, dit l’apôtre, le reçut donc en figure, le retrouva grâce à une victime représentative, par ce bélier qui était comme la figure d’Isaac ; ou bien encore, il le retrouva après une mort figurée et représentée en son fils bien-aimé ; car ce père étonnant avait consommé son sacrifice dans sa volonté, et, dans son cœur, avait immolé Isaac, qui lui fut rendu en récompense de ce courage.
2. Voyez-vous démontrée ici la vérité que j’aime à redire toujours ? Oui, quand nous avons fait preuve d’une bonne volonté parfaite, quand nous avons montré le mépris des choses terrestres, alors, et pas auparavant, Dieu nous donne les biens de la terre ; il ne veut pas que déjà trop liés à ce bas monde, nous y soyons plus attachés encore en recevant trop vite un tel présent. Brisez vos fers avant tout, semble-t-il dire, et puis vous recevrez, et mon présent ne vous sera pas fait comme à un esclave, mais comme à un homme maître de soi. Méprisez les richesses, et vous serez riche. Méprisez la gloire, et vous serez glorieux. Méprisez le repos et la tranquillité, et l’un et l’autre vous seront donnés ; et en les recevant, vous rie les accepterez pas par grâce comme un captif, ou comme un esclave, mais comme un homme libre.
Quand un petit enfant désire quelques jouets de son âge, comme une balle, ou toute autre bagatelle, nous les lui cachons, parce que ces objets pourraient lui faire oublier des devoirs nécessaires. Mais ne désire-t-il plus, méprise-t-il ces jouets, nous les lui donnons avec assurance, sachant qu’ils ne peuvent plus lui faire tort, puisqu’il n’en a plus ce désir qui l’aurait détourné de ses devoirs. Ainsi lorsque Dieu voit que nous ne convoitons plus les biens d’ici-bas, il nous en accorde la jouissance ; car, dès lors, nous les possédons comme des hommes faits, des hommes libres, et non plus comme des enfants.
Dédaignez-vous, par exemple, de tirer vengeance de vos ennemis t vous l’obtenez. Écoutez plutôt la divine parole : « Si votre ennemi a faim, donnez-lui à manger ; s’il a soif, donnez-lui à boire ». Et en retour : « Si vous faites ainsi, vous amasserez sur sa tête des charbons de feu ». (Rom. 12,20) Méprisez-vous les richesses ? Vous y parviendrez, au témoignage même de Jésus-Christ « Tout homme qui abandonnera père, mère, maison, frère, recevra le centuple, et possédera la vie éternelle ». (Mt. 19,29) Méprisez-vous la gloire, vous l’obtiendrez : Écoutez encore Jésus-